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[La laïcité | Henri Pena-Ruiz]
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le_regent



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Posté: Mer 07 Mai 2014 17:10
MessageSujet du message: [La laïcité | Henri Pena-Ruiz]
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La laïcité / Textes choisis et présentés par Henri Pena-Ruiz. – Paris : Editions Flammarion, 2003. –
255 p. – ISBN 2-08-073067-3. – Coll. GF Corpus, n°3067

Ce livre comporte des extraits d'oeuvres aussi anciennes qu'un texte de Lucrèce, et aussi récentes qu'un texte de Kintzler de 1996. Mais ces extraits ne sont pas disposés dans l'ordre chronologique, comme cela aurait pu être le cas si l'auteur s'était proposé d'écrire une histoire de la laïcité. Ils sont répartis en cinq chapitres : 1 Les diverses options spirituelles. 2 Religion et politique : une liaison dangereuse. 3 La raison contre l'oppression. 4 Valeurs et principes de la laïcité. 5 L'Etat émancipé : la séparation laïque. 6 La laïcité de l'école publique. Une introduction d'une trentaine de page ouvre le livre et chaque extrait est précédé par un commentaire parfois très développé.
J'avoue ne pas être attiré par le genre de l'anthologie. Mais lorsque j'ai trouvé ce livre dans une brocante, j'étais très désireux d'approfondir le sujet de la laïcité, puisque certaines dispositions qui ne semblaient pas poser de problème à l'époque de ma jeunesse se trouvent contestées par certains aujourd'hui. Je n'ai pas eu le temps de rédiger une note de lecture à ce moment, et je viens donc de relire ce livre. Mais je n'ai pas pu le relire dans le même esprit qu'alors, parce que de nouvelles lectures faites entre temps, les nouvelles préoccupations qu'elles ont éveillées, sont entrées en ligne de compte.
Même si je n'y voyais pas que cela, la laïcité est en grande partie un ensemble de dispositions juridiques, ce qui m'a amené à me poser la question générale du fondement des lois. J'étais d'ailleurs intervenu brièvement à ce sujet en commentant une note de lecture d'Amiread1 à propos des droits de l'animal. Ma pensée s'est encore précisée depuis, en particulier grâce à une lecture en cours qui donnera lieu à une autre note.
Une école a vu la validité des lois dans leur conformité à la volonté des dieux (ou de Dieu quand le monothéisme a pris le pas sur le polythéisme). Une autre école la voit dans la conformité à la nature. Pour une autre école enfin, et je me rattache à celle-ci, la loi n'a rien à voir ni avec les dieux ni avec la nature, elle est simplement une production humaine.
Encore aujourd'hui, cette vision des choses évoque irrésistiblement l'expression de « contrat social », utilisée par Jean-Jacques Rousseau, mais qui ne peut vraiment plus être considérée comme appropriée. Je trouve par contre un grand intérêt à un concept développé dans un domaine bien différent de celui du droit, le langage. Je veux parler du concept d'« arbitraire » employé par de Saussure pour exprimer le caractère non-naturel du rapport entre les signifiés (les sons) et le signifiant (le mot) ; rien de « naturel » à ce que tel animal soit désigné par les sons du mot « fish » plutôt que par ceux du mot « poisson ». Arbitraire, pris dans ce sens, ne signifie pourtant ni aléatoire, ni indéterminé.
Quelle est la validité des lois si elles ne sont qu'une production humaine ? Dés l'Antiquité était élaborée la notion de bien commun, d'intérêt général. Mais la critique sociale des XIXe et XXe
siècles a contesté l'existence d'un véritable intérêt général dans des sociétés hétérogènes faites de riches et de pauvres, de propriétaires et de locataires, de patrons et d'ouvriers, etc.
La représentation que je me fais aujourd'hui des lois, c'est un arbitrage évolutif (pas un équilibre) entre des intérêts parfois purement individuels (cas d'une nomination à un poste), parfois plus ou moins collectifs (une mesure prise en faveur du monde agricole peut produire des effets bien différents sur les céréaliers, les éleveurs, les viticulteurs), intérêts parfois contradictoires (une diminution des contraintes en matière de licenciement a des effets bien différents pour les employeurs et pour leurs employés).
Pour en revenir à la laïcité proprement dite, cette clarification de ma vision des choses m'a aidé à trouver plus « naturelles » les différences sur ce point entre les divers états de culture européenne (ce qui n'est en rien le sujet du livre). Elle a probablement aussi donné un arrière-plan théorique plus clair à des alternatives entre lesquelles j'ai été amené à me déterminer parce que la vie quotidienne pouvait à tout moment m'imposer de choisir entre elles.

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Posté: Mer 07 Mai 2014 19:17
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Bonsoir Le Régent et merci pour cette note qui ouvre le débat, à mon sens, encore davantage que le livre que tu présentes - ce dernier déjà se prêtant bien à la tâche...
Je souhaite donc rebondir sur trois points assez différents par des questions :
1. Si le livre n'est pas une histoire de la laïcité et s'il est encré dans le vaste port de la philosophie du droit, présente-t-il synchroniquement la conception de la laïcité dans différents ordonnancements juridiques ? A l'échelle européenne ou plus largement ?
2. Pour quelle(s) raison(s) déclares-tu si vite que la vision contractualiste de Rousseau mais aussi de quelques autres (empiristes anglo-saxons) serait périmée ? Après tout, le néolibéralisme contemporain n'a jamais autant facilité la mobilité géographique des hommes, des capitaux, des savoirs et des pouvoirs - je fais allusion principalement aux nantis, bien sûr, mais pas uniquement... Cela ne renvoie-t-il pas, plus que jamais, à une sorte de "contrat social" d'installation sur les territoires, avec tous les dumpings qui en sont le corollaire... ?
3. Pourrais-tu détailler sur les "alternatives entre lesquelles [tu as] été amené à [te] déterminer..." qui, si je comprends bien, impliquent des modifications de tes convictions par rapport à la laïcité ? Ou bien est-ce le milieu qui a changé ?
Merci et bonne soirée.
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le_regent



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Posté: Jeu 08 Mai 2014 20:50
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Bonsoir Apo
Sur le premier point de ton commentaire, ma réponse est négarive. Henri Pena-Ruiz « convoque » (comme il est à la mode de dire) de nombreux philosophes de tous les temps dont beaucoup ne sont pas Français ( comme Platon, saint Augustin, d'Holbach, Hume, Feuerbach, Kant, etc.) mais il ne se situe pas du tout sur le terrain des dispositions juridiques concrètes. C'est moi qui ne suis pas capable, sur ce thème, de rester sur un plan exclusivement philosophique. Cette anthologie, écrit Pena-Ruiz, « est une présentation raisonnée de l'idéal laïque et de la laïcité comme émancipation simultanée des personnes, de l'Etat, et des institutions publiques. […] La laïcité consiste à affranchir l'ensemble de la sphère publique de toute emprise exercée au nom d'une religion ou d'une idéologie particulière. » Ma culture philosophique n'est pas assez profonde pour que je sois sûr d'utiliser certains termes dans l'acception usuelle chez les philosophes, mais je dirais que ces affirmations relèvent pour moi d'une philosophie idéaliste dans laquelle je ne me reconnais pas.
En ce qui concerne Rousseau, ma dernière lecture du Contrat social remonte déjà à un nombre certain d'années, mais j'espère ne pas en avoir gardé un souvenir trop déformé. Il me semble que, voulant caractériser le droit comme production humaine, il a utilisé les instruments intellectuels disponibles à son époque, voyant dans le contrat commercial une analogie à vocation pédagogique plutôt qu'une identité substantielle. Je n'ai aucune idée des débats que son ouvrage a pu faire naître à son époque ou depuis, mais je suppose que quelqu'un a probablement objecté que venir au monde et y trouver des lois déjà établies était assez différent du fait de prendre des engagements réciproques, pour deux commerçants, ou pour un commerçant et un client.
Quant au troisième point, je craignais de faire pencher ma note de lecture de la présentation d'un livre vers un prêche en faveur de mes convictions personnelles, mais dans la mesure où tu m'y invites, je serai volontiers plus précis. Je ne pensais pas que cela aurait quoi que ce soit à voir avec la laïcité, en particulier à l'école mais mes réflexions ont débuté au moment des premiers procès faits à des parents d'origine africaine en raison de l'excision de leurs filles. En tiers-mondiste conséquent, je n'ai pas condamné d'emblée, et je me suis interrogé sur le degré de respect dû aux mœurs de gens que les modes de vie modernes (on n'utilisait pas encore le mot de mondialisation) avaient amenés sur des territoires de mœurs tout autres. Tout bien pesé, j'ai estimé qu'il était parfois permis d'interdire, comme l'écriront peu après Alain Finkielkraut, Elisabeth Badinter et quelques autres à l'occasion de l'affaire du voile de Créteil, affaire sur laquelle je me suis senti « en communion » avec eux (comme disent les catholiques).
Je considère les réflexions que j'ai faites depuis comme un outil supplémentaire pour m'éviter de diaboliser celles et ceux qui auraient une appréciation différente, y compris celles et ceux qui sont à l'origine de l'affaire, sans pour autant me sentir coupable de défendre les valeurs auxquelles je suis attaché. Egoïstement, c'est la liberté d'irréligion qui m'importe. Mais parce que j'ai été éduqué à traiter autrui comme un autre moi-même, je ne souhaite pas qu'autrui soit privé de la liberté d'appartenir à l'une ou l'autre confession religieuse. Après, comme chacun sait, le diable est dans les détails. J'ai passé quelque temps, il y a peu, dans un de ces quartiers dits sensibles. Je me suis un jour acheté un magazine de mots fléchés dont la page de couverture comportait (et pourquoi diable?) une photo de femme dénudée. Par délicatesse, et parce que mes quelques interactions avec les gens du quartier avaient été cordiales, j'ai tourné cette couverture pour rentrer. Mais je n'admettrais à aucun prix que la loi m'y contraigne.
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apo



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Posté: Ven 09 Mai 2014 10:58
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Bonjour Le Régent,

Bien que son élitisme soit odieux, je crois qu'Eleanor Roosevelt avait raison lorsqu'elle affirmait : "Les grands esprits discutent d'idées, les esprits moyens, d'événements, les petits esprits, de gens ["people"]".

Pourtant, je pense comme toi que, sur une question comme la laïcité, un essai qui se contente de philosophie politique sans prendre en compte les applications juridiques différentes et même le contexte médiatico-politicien qui les a généralement produites (souvent dans l'urgence) est incomplet, ou d'une utilité limitée. J'en veux pour preuve la variété de ces applications dans les différents ordonnancements juridiques nationaux - et internationaux, ne l'oublions pas... - même si les références philosophiques sont souvent assez proches. Je crois que ces propos rejoignent ton évocation de la notion saussurienne d' "arbitraire", à laquelle il est néanmoins toujours bon de faire suivre immédiatement son contrepoint, le "conventionnel"... C'est dommage pour ce livre. A moins que sa thèse ne soit justement de suggérer : "Voyez comme même en philosophie la notion est ambiguë, ça n'est pas étonnant que ses applications soient contradictoires." On a déjà essayé ça pour discréditer les tribunaux internationaux des Droits de l'Homme, en prouvant mordicus que ces derniers ne sauraient reposer sur aucun fondement de philosophie politique cohérent. Ce qui, au demeurant, est vrai, mais ne rend pas service aux gens...

Quant au contractualisme. Pour moi aussi, mes études de philosophie politique sont très anciennes et ma mémoire peut avoir failli. Cependant, je suis convaincu que le parallèle avec l'institut du contrat en droit privé n'était pas qu'une analogie didactique. Il était dans l'air du temps de rechercher une légitimité différente au pouvoir que celle monarchique héréditaire fondée sur le mandat divin. D'où l'idée fort rationaliste et très mercantile : impôts mais représentation, je paie mais je veux décider (comment ? dans quelle mesure ?...) où va mon argent, donnant donnant. N'en sommes-nous pas toujours là ?
Déjà chez More, Hobbes, Locke, Hume, Rousseau, la question s'était posée très clairement de savoir si le "covenant", le "contrat" d'entrée en société avait été souscrit une fois pour toutes dans un lointain passé mythique, et tacitement reconduit à chaque génération, sauf grave manquement de la part du souverain, auquel cas le droit de se révolter demeurait intact car le contrat avait déjà était enfreint, ou bien s'il était sujet à renouvellement périodique.
Je pense qu'à l'époque de ces penseurs on envisageait seulement le droit de révolte, aujourd'hui on dispose de la possibilité de faire tomber les gouvernements, ou bien - pour les pouvoirs réels non électifs - de les paralyser entièrement, ou bien - pour presque tous et avec toute la latitude des ressources que l'on possède (parfois, souvent ce n'est que son corps, quand bien même...) - de se déplacer et de déplacer son bien - et là la question qui se posera ensuite ne sera que de réception dans le pays d'immigration (en fonction, cyniquement parlant, de ce que l'on a déplacé : en gros, c'est la différence entre une Nigériane ou un Rom et Amazon ou Arcelor Mittal, et combien qui se trouvent entre les deux paires et dont nous ignorons presque tout...). Tu n'es pas d'accord ?

En ce qui concerne le troisième point, je suis rassuré de lire que ce ne sont pas vraiment tes convictions qui ont changé, mais effectivement les contingences du milieu. Après, que nous soyons d'accord ou non sur la manière dont le législateur français a agi sur la question de l'excision et sur LES rebondissementS de la saga du voile, dans le fond, c'est très secondaire par rapport à la discussion sur les idées... Non ?
Bonne journée et merci.
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le_regent



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Posté: Ven 09 Mai 2014 20:51
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Bonsoir Apo

Tu utilises le mot de mythe dans ton dernier message, et c'est précisément ce qui m'éloigne sans cesse de la conception contractualiste des lois : je vois une fiction dans le contrat social, passé ou actuel.
Par contre, plusieurs considérations me ramènent invinciblement vers cette représentation « relativiste » que je me fais désormais des lois. L'une d'elles est la facilité avec laquelle les observations des théoriciens de la lutte des classes s'y intègrent, sans nécessiter pour autant le respect d'une stricte orthodoxie marxiste (mais cela pourrait devenir un biais cognitif). Une autre est que cette conception engage au pragmatisme plutôt qu'au dogmatisme. Si un jour (ce que je ne crois plus) toute l'humanité devenait athée, aucune liberté religieuse ne serait nécessaire : un droit ne peut être engendré que par l'existence d'un groupe humain qui y aspire (négligeons pour l'instant la question du droit des animaux).
Ce qui me réjouis par ailleurs, c'est que dans cette optique, la question de savoir qui a raison et qui a tort ne fait plus sens. Ce qui fait sens, c'est la question de savoir de quels intérêts chacun se fait le porte parole. D'un seul groupe humain ? Lequel ? Recherche-t-il un équilibre entre divers groupes ? Mais d'autres situeront autrement le point d'équilibre (et c'est ainsi que nous pourrions diverger sur la question de l'excision ou celle du voile à partir d'une même démarche de recherche de justice). Cela donne toute sa place à l'observation et à l'analyse des choix individuels et collectifs et par exemple à la prise en compte de facteurs comme l'influence des préoccupations électoralistes de tel groupe politique ou de tel homme politique sur l'adoption des lois.
En dehors de cela, entièrement d'accord avec toi sur le fait que Mittal est un riche investisseur, pas un Indien, mais qu'un Rom est un Rom.
En ce qui concerne Pena-Ruiz, je crois que c'est le fait d'être un philosophe professionnel qui limite son champ de vision, car par ailleurs il a participé à un petit livre collectif (sur lequel je vais prochainement faire une note de lecture) qui dénonce sans ménagement le « révisionnisme » en matière de laïcité.
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Posté: Sam 10 Mai 2014 9:36
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Bonjour Le Régent,
Je ne sais si c'est un biais cognitif marxien que de considérer les philosophes contractualistes comme pères du libéralisme et en cela engagés dans une lutte des classes de la bourgeoisie contre l'aristocratie et le clergé. Ce que je constate dans leurs textes politiques, cependant, c'est un souci constant de poser des limites au pouvoir royal - souvent leur biographie y est pour quelque chose -, et de se questionner sur le droit de se rebeller.

"Relativisme" des lois, dis-tu. Je ne comprends pas très bien, par rapport à quoi ? Par rapport à une morale transcendante extra-politique : "la question de savoir qui a raison et qui a tort ne fait plus de sens" ? Alors cela date d'encore plus tôt : je dirais de Machiavel. Et le marxisme se situe totalement dans cette modernité-là, ce qui lui a été fort contesté d'ailleurs.
Pas de "droit naturel" ? D'accord.

Ou bien le relativisme dont tu parles se réfère-t-il à un problème de limites de la représentation ? A se demander quels sont les intérêts qui vont avoir un porte-parole, et quel est la portée relative de la voix de ces derniers ? C'est la question de la définition et des limites de la démocratie.

Que l'humanité devienne athée ? L'on constate plutôt le contraire : des crispations identitaires de plus en plus fortes sur le religieux aussi. Je regarde avec un étonnement attristé la campagne électorale indienne en ce moment...

Mais pour en revenir à la laïcité en Europe et aussi dans le bassin méditerranéen (Égypte, Turquie, Syrie...) en ce début du XXIe siècle, qui semble bien différence de celle du début du XXe siècle, voire de celle de quelques siècles auparavant - Édit de Nantes - (qui ne portait pas le même nom, car elle s'appelait tolérance, mais possédait sans doute les mêmes aspirations), ne crois-tu pas qu'il est beaucoup, énormément question aujourd'hui de "mé-réception" de l'autre, de clivage identitaire, de construction politique de l'altérité... ?

Quand je parlais de la différence de réception entre un M. Mittal et une Nigériane, j'avais envie d'ajouter que cette dernière pourrait éventuellement être voilée, en France...
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le_regent



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Posté: Sam 10 Mai 2014 20:59
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Bonsoir Apo
En ce qui concerne l'emploi de l'expression « biais cognitif », je voulais dire que dans la mesure où ma conception relativiste du droit me permet à la fois d'intégrer sans difficulté la notion de lutte des classes et de ne pas forcément tout accepter de la doctrine marxiste, cela risque de fausser mon jugement. C'est un des biais cognitifs les plus connus que de croire vrai ce qui nous arrange, plus volontiers que ce qui nous dérange.
Quant au terme « relativisme » je l'ai choisi en opposition au terme « universel » et à ses variantes « universelle » et « universels » qu'emploie parfois Pena-Ruiz, non seulement dans ce livre, mais aussi dans un autre auquel il a participé et sur lequel je vais prochainement écrire une note de lecture. Je trouve qu'il permet bien, comme il me semble que tu le subodores, d'exprimer mon refus de reconnaître une transcendance « sur-humaine » ou « extra-humaine », comme Dieu ou la Nature. Ce qui transcende ma petite personne, il me semble, ce sont un ou des groupes de mes congénères.
Ce terme de relativisme exprime bien aussi, me semble-t-il, le fait que ce ou ces groupes que je viens d'évoquer ne sont pas abstraits, mais bien localisés dans le temps et dans l'espace. Je vais remplacer le mot de laïcité par une longue périphrase : la coexistence pacifique entre des conceptions différentes à l'égard du surnaturel ne peut effectivement pas prendre les mêmes formes en France sous Henri IV et aujourd'hui, ou aujourd'hui en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Tunisie, etc.
Et si l'on revient à l'individu, il me semble clair que, même dans une démarche identique de recherche de la plus grande justice, chacun ne pourra juger d'un point d'équilibre que d'après son expérience de vie et ses connaissances, nécessairement différentes de celles des autres.
Je réserve à d'autres notes de lecture des réflexions sur le rôle de l'assentiment et de la contestation dans la dynamique de l'évolution des lois, et de même ce sont plutôt d'autres notes de lecture qui m'amèneront à revenir sur le fait que certains groupes obtiennent une meilleure prise en compte de leurs intérêts que d'autres. Et je me sens reconnaissant à l'égard de l'Agora et de ses participants de me motiver à dépasser de vagues impressions au profit d'idées communicables.
Cordialement
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