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[L'identité malheureuse | Finkielkraut Alain]
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le_regent



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Posté: Jeu 09 Jan 2014 21:43
MessageSujet du message: [L'identité malheureuse | Finkielkraut Alain]
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L'identité malheureuse / Finkielkraut Alain, ouvrage publié sous la direction de François Azouvi ; 229 p. ; Paris : Editions Stock, 2013

Je n'avais lu aucun des livres d'Alain Finkielkraut avant celui-ci. Et j'en avais seulement parcouru les premières pages lorsqu'Alain Finkielkraut est apparu dans une émission de télévision de Frédéric Taddeï, émission au cours de laquelle un scénariste de cinéma et de télévision, Abdel Raouf Dafri, et le directeur d'une agence de communication, Pascal Blanchard, m'ont donné le sentiment de faire assaut de mépris et d'hostilité envers lui au motif, selon l'un d'eux, que la présence de négros et de bicots en France le dérangerait. Si, au lieu d'argumenter, on disqualifie son interlocuteur, il n'y a pas d'échange intellectuel, pas de débat d'idées. Il est vrai que l'échange intellectuel, le débat d'idées ne sont pas toujours possibles avec tout le monde mais il ne me semble pas qu'Alain Finkielkraut corresponde à ce dernier cas de figure. D'ailleurs, si la lecture de L'identité malheureuse m'a laissé sur ma faim,je n'y ai rien trouvé qui me scandalise.
Je n'ai pas pu déceler dans L'identité malheureuse une trame démonstrative claire, mais peut-être est-ce la marque d'une pensée plus subtile que ne l'est la mienne. Si je l'ai bien compris, Alain Finkielkraut voit l'Europe d'aujourd'hui comme un continent d'immigation malgré lui, malheureusement sujet à une crise d'intégration (p. 21), à une crise du vivre-ensemble (p. 213). Ce n'est pas lui qu'il faut lire si l'on veut découvrir comment le problème est vécu par les jeunes de quartiers populaires d'ascendance non-européenne plus ou moins lointaine, mais Stéphane Beaud (80% au bac... et après ? ou Pays de malheur !). Alain Finkielkraut est plus apte à nous faire connaître le ressenti des lettrés, enseignants ou autres intellectuels. Lui-même m'est apparu comme nostalgique d'une éducation fondée sur les humanités classiques gréco-latines et la philosophie (en fait, il est agrégé de lettres modernes).
Citant des écrits de Lévi-Strauss, il demande que l'on ne qualifie pas de raciste l'attachement à cette culture, à ces valeurs. « L'immigration qui contribue et qui contribuera toujours davantage au peuplement du Vieux Monde renvoie les nations européennes et l'Europe elle-même à leur identité […] il nous faut combattre la tentation ethnocentrique de persécuter les différences et de nous ériger en modèle idéal sans pour autant succomber à la tentation pénitentielle de nous déprendre de nous-mêmes pour expier nos fautes. La bonne conscience nous est interdite mais il y a des limites à la mauvaise conscience » écrit-il (p. 134).
Il note aussi combien les récentes évolutions techniques, combien les nouvelles attitudes des adultes envers les enfants, entrent en conflit elles aussi avec cette culture, ces valeurs. Toutefois sa conclusion me laisse sur ma faim, car je ne discerne pas ce qu'il propose pour résoudre la crise du vivre-ensemble qu'il diagnostique. Il s'agit, semble-t-il, de « l'affirmation […] de l'identité nationale » (p. 215). Je crois que sa phrase « La France cependant demeurait une patrie littéraire » (p. 150) correspond à ce qu'il entend par identité nationale. Faut-il y ajouter ce qu'il nomme la « galanterie » française, par quoi il explique que le port du voile à l'école soit rejeté en France (y compris par lui) alors qu'il ne l'est pas dans les pays comparables ? Tout cela est loin d'être assez explicite à mon goût, sans compter que je n'en vois pas la portée pratique.

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apo



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Posté: Ven 10 Jan 2014 11:12
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Bonjour Le régent,
pour moi, l'intérêt du personnage (plus médiatique à une époque qu'il ne l'est désormais, me semble-t-il) réside en ce qu'il est l'un des rares penseurs de droite d'aujourd'hui à être principalement un conservateur, donc passablement antilibéral. En cela, on peut le rapprocher d'Alain de Benoist.
L'identité avec rejet du multiculturalisme est l'un de ses deux ou trois chevaux de bataille. [Ma motivation à le lire était d'ailleurs principalement celle de m'armer d'un contre-argumentaire face à ce genre d'opposants... Smile ]
Je pense par ailleurs que la clarté de sa "trame démonstrative" n'est pas son point fort, pas plus que sa propension pour les solutions pratiques - donc pas de raison de douter de ta subtilité par rapport à la sienne... Very Happy
Si après cela, tu as encore envie de le connaître mieux (et je ne dis pas que c'est une mauvaise idée !), je te conseille un de ses premiers livres (que je ne ferais pas mal de relire, au demeurant) : La défaite de la pensée.
Amitiés.
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le_regent



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Posté: Sam 11 Jan 2014 19:34
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Bonsoir Apo
Merci pour ton commentaire. En fait, ce qui m'a porté à lire ce livre, c'est son titre plus que son auteur. La notion d'identité nationale est restée étrangère à mon éducation et me reste encore étrangère aujourd'hui. Je cherchais donc à comprendre ce que l'on peut mettre là-dessous avec l'idée que j'avais peut-être manqué quelque chose et sinon, comme tu le dis très bien, que cela m'aiderait à élaborer un contre-argumentaire.
En ce qui concerne la position politique d'Alain Finkielkraut, il évoque la période de mai 68 où il se situe parmi les contestataires. Il est vrai qu'il se demande si avec le temps il n'a pas été « récupéré ». Ce qu'il dit du changement me parle (nous avons presque le même âge) : le changement, à cette époque, c'était ce que nous voulions imposer ; aujourd'hui, c'est ce qui nous arrive, ce que nous subissons. J'aimerais savoir quelle est ta vision sur le point suivant : depuis l'effondrement de l'idéologie de « la lutte de classe », pour parler simplement, il me semble que c'est la droite qui s'est emparée des thèmes du changement, de la modernité et que ceux qui ont du mal à se résigner à la précarisation croissante d'une partie de la population, qui tentent de s'accrocher aux « acquis sociaux » du passé se retrouvent dans la position nouvelle pour eux de "conservateurs".
Cordialement
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apo



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Posté: Dim 12 Jan 2014 16:25
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Bonjour l'ami,
le concept d'identité (décliné en y apposant une infinité d'attributs, dont le plus politique est sans doute "nationale") est prodigieusement à la mode. Et il est totalement effarant pour moi de constater comment et combien il s'est métamorphosé depuis ce que je considère comme son acte de naissance contemporain (dans la pensée française), c'est-à-dire le fameux brillantissime séminaire interdisciplinaire dirigé par Claude Lévi-Strauss en 1974-75, intitulé justement L'identité.
Des concepts dont le sens glisse - se répand, est récupéré, se banalise tout en se vulgarisant - au fur et à mesure qu'ils entrent dans des bouches différentes et inattendues...
Pour moi, il est certain et évident qu'il en va de même du terme de changement (en politique), que je relierai plus précisément aux deux concepts de "progrès" et de "réforme(s)" et, en biais, à celui de "révolution".
Je suis tout à fait d'accord avec toi lorsque tu dis que la droite s'en est emparé (je parle des deux premiers et d'une ambiguïté tout à fait calculée par rapport au troisième, qui relève quand même aussi d'une certaine adoption et d'un évident glissement sémantique) et que ce qui reste de la gauche (peau de chagrin ?) est contrainte à se retrouver conservatrice afin de s'accrocher aux "acquis sociaux". Je dirais même que cette position nouvelle lui est tellement inhabituelle, qu'une grosse partie de cette dernière se sent encore désorientée ; cette confusion est sans doute la principale cause de l'effondrement de la social-démocratie en Europe, qui est déjà en œuvre sur le plan des idéaux et - je suppose - ne tardera pas à se révéler aussi sur le plan électoral en France comme ailleurs... Modèle américain pour tout : deux partis de droite, l'un d'eux assorti d'un volet "vie privée" - le sens anglo-saxon du mot liberal qui n'a rien à voir avec l'acception économique de l'équivalent français (ou des autres langues néolatines) ; l'autre faisant avancer exclusivement le néolibéralisme économique tel que nous l'entendons, par le raidissement répressif-sécuritaire qui lui est absolument nécessaire.
Là où je ne me trouve pas d'accord avec toi, c'est la datation. Pour moi, cela ne s'est pas produit depuis l'effondrement du communisme (pour parler encore plus simplement et accessoirement pour éviter de qualifier la lutte des classes d'idéologie...), mais bien dix et même quinze ans plus tôt, précisément lorsque Reagan a introduit dans son administration les économistes de l'université de Chicago, et en Europe Thatcher en a imité les actes (mais il y avait déjà eu quelques précédents d'application politique en Amérique Latine, je pense au Chili de Pinochet qui a été un véritable laboratoire politique à la perfection inégalée...), ou lorsque Mitterrand a effectué son fameux revirement...
Je suppose qu'à présent je devrais essayer d'énoncer ce que je considère comme le glissement sémantique qui accompagne la "récupération" des concepts indiqués ci-dessus. Je pense que la genèse de ces derniers est très ancienne, datant des Lumières pour le premier et sans doute du XIXe s. pour les deux autres (en position conflictuelle entre eux par rapport aux mouvements anarchistes, qui ont précédé le marxisme). Pour en mesurer le glissement, il suffit, à mon sens, de les situer dans leur contexte : l'humanisme (en philosophie) et le cheminement vers la démocratie (en droit et science politique). Pendant une très longue période le "progrès social", les "réformes" se sont nourris de ce terreau dont ils avaient germé. Aujourd'hui peut-on dire même seulement qu'ils seraient compatibles avec lui ? Seulement à condition d'identifier les intérêts et la volonté généraux avec ceux du fameux 1% des plus nantis. Les problèmes d'incompatibilité sont les plus graves mais aussi les plus dissimulés par rapport à la démocratie : c'est ainsi qu'a été introduit le concept de "gouvernance" (dernièrement)... Sacré pirouette intellectuelle. Mais la majorité l'accomplit sans cesse depuis trente-quarante ans sans s'en rendre compte...
Pardon si je n'ai pas été assez succinct.
Bonne journée.
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le_regent



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Posté: Dim 12 Jan 2014 16:52
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Bonsoir Apo
Merci d'avoir pris le temps d'une réponse un peu développée. Tes réflexions m'ouvrent des perspectives nouvelles et intéressantes.
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