Les gens de peu / Sansot Pierre. – Paris : Presses universitaires de France, 1991. – 223 p. – Coll. Sociologie d'aujourd'hui. – ISBN 2 13 043835 0
Un livre qui n'a pas connu le purgatoire d'attendre plusieurs années dans mon fatras à lire, mais qui est resté à portée de ma main après que l'aie trouvé dans une brocante plus tôt cette année. J'étais en effet en attente d'un livre qui traiterait de la culture populaire, non pas comme d'un manque de culture, mais comme d'une culture différente de celle des lettrés. Voici ce que je veux dire : il est vrai que dans les catégories populaires l'écrit est dévalorisé (lire est une occupation de fainéant) mais parce qu'est valorisé le « faire » matériel, celui du bricolage et du jardinage. En gardant pleine conscience de ce qu'il faudrait nuancer, on peut ainsi évoquer tout un système d'oppositions : en sport le football et le cyclisme contre le golf, le tennis, l'équitation ; en musique l'accordéon et le cornet à piston contre le violon et la flûte traversière, la chanson sentimentale ou humoristique contre l'opéra, etc.
Dans une certaine mesure j'ai bien trouvé ce que j'attendais, avec un auteur ne distinguant pas vraiment, mais peut-être a-t-il raison, culture et mode de vie. Il évoque l'usage populaire du langage, le personnage du guérisseur, celui de la ménagère, du bricoleur, les scènes de ménage, l'habitat populaire et le bistrot, les pratiques alimentaires (chapitre centré sur le Languedoc-Roussillon), l'ivrogne (le pendant « bourgeois » serait l'alcoolique), les parcs publics, le football, le jeu de boules, le camping, le Tour de France.
Le livre ayant paru en 1991, c'était pour moi une surprise, pas désagréable d'ailleurs, de me trouver sans cesse ramené à mes souvenirs d'enfance (mes plus anciens souvenirs datent de la toute fin des années quarante et du début des années cinquante). En ce qui concerne le Tour de France, l'auteur précise d'ailleurs « Nous avons choisi, à titre d'illustration, le Tour de France à ses heures de gloire, c'est-à-dire tel qu'il se déroulait entre les deux guerres et après celle de 39-45 ... » C'est une des limites de ce livre : dans les quartiers populaires qu'il évoque, tout le monde est évidemment de vieille souche européenne.
L'autre limite, par rapport à mes attentes, c'est que le travail de l'auteur m'a constamment paru plus littéraire que sociologique (ou anthropologique : l'auteur enseigne l'anthropologie à l'Université Paul Valéry de Montpellier, indique la quatrième de couverture). Je n'y ai pas trouvé de la part de l'auteur d'observation « armée », comme on dit dans le jargon des sciences humaines (n'ayant aucune notoriété, je ne peux pas espérer influencer les usages linguistiques, mais je me permettrai, à la place de cette métaphore guerrière, d'employer l'expression d'observation « instrumentée »).
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