Le crépuscule qu'évoque Robert Bloch dans son titre, est celui qui engloutit les stars des débuts du cinéma, l'obscurité dans laquelle sombrent ceux qui n'auront pas su négocier le passage du muet vers ce qui allait être la révolution cinématographique de la fin des années 20 : l'apparition du "parlant".
Début de la décennie en question : Tom Post est un jeune homme quelque peu naïf mais entreprenant. Cet orphelin élevé par son oncle et sa tante vit à Hollywood, où il est factotum au sein des studios Coronet, pour le compte du metteur en scène Theodore Harker. Il passe ses journées à porter des scripts et, comme tous ceux qui occupent dans cet univers mirifique qu'est le monde du cinéma une place modeste, il rêve...
Il rêve de devenir scénariste, et sa rencontre avec Kurt Luzovsky, un figurant d'origine polonaise, qui a connu une existence mouvementée, va lui permettre, peu à peu, d'atteindre son but.
Robert Bloch nous introduit au cœur de l'illusion, là où la plus insipide des actrices se métamorphose en personnage enchanteur grâce à la magie de la mise en scène, là où de simples décors de carton pâte se transforment en Colisée lorsque la caméra tourne...
Et même si, en déambulant dans ce "rêve éveillé" qu'est le cinéma, on réalise que les étoiles sont factices, que les stars sont finalement des individus comme les autres, avec leurs vices et leurs faiblesses, on ne peut s'empêcher de succomber à cette illusion, de se laisser éblouir par le tour de passe-passe qui permet à quelques hommes maîtres d'une simple technique, de transfigurer la réalité, de nous emmener ailleurs...
Avec l'arrivée du parlant, on a le sentiment que le combat qui se joue va au-delà d'un antagonisme entre nostalgiques du muet et adeptes des nouvelles technologies. C'est toute la manière de jouer qui s'en trouve bouleversée... finie la grandiloquence, les expressions surjouées pour faire passer les émotions.
Et puis, en même temps que la parole, apparaissent dans l'univers du cinéma certains éléments qu vont le transformer en une véritable industrie. Tous les studios finissent par avoir leur producteur, et un producteur n'est pas un artiste... C'est un homme d'affaires, qui coordonne, organise, et surtout qui calcule, qui réfléchit en terme de rentabilité, de bénéfice.
Les films fabriqués à la chaîne, produits de consommation sans originalité, mais dont on est assuré qu'ils satisferont au quota d'entrées, remplacent peu à peu les œuvres ambitieuses et artistiques de cinéastes mis au rebut.
C'est un bel hommage que Robert Bloch rend là au cinéma. Et la force de cet hommage réside en grande partie dans sa capacité à recréer une atmosphère évocatrice des débuts du septième art, et à en imprégner le lecteur. Il parvient ainsi à nous faire admirer une magie dont il dévoile pourtant les ficelles et les dessous.
Ses personnages, dont certains sont si passionnés qu'ils vivent leur existence comme s'ils tournaient un film, ont l'envergure de héros de cinéma. La dynamique de son intrigue, qui fait alterner épisodes dramatiques et scènes parfois cocasses, est parfaitement maîtrisée.
Bref, un très chouette moment de lecture !
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