Richard Zamanski, « flic efficace et réputé » de la PJ parisienne a été mis au placard par sa hiérarchie à la suite d’une affaire tragique. Sa compagne Véra Trahner, peintre doué en proie au démon du doute, s’est suicidée avec l'arme de service de Zamanski. Il croupit à Blainville (copie conforme de Royan), station balnéaire sur la côte atlantique, « ville fleurie, souriante et sans histoires ». Préposé aux petits délits, Zamanski ronge son frein, « tourne autour de son ennui. Il a l’impression d’être dans un HP balnéaire en cure de désintoxication ! Désintoxication de la ville, désintoxication de lui-même ». L’hôtel restaurant de la ville La Capitainerie est incendié. Le chef des pompiers ne croit pas à l’accident. La SRPJ d’Angoulême classe trop vite l’affaire en concluant à un accident bien que le sinistre ait fait un mort. Le propriétaire, suspecté d’accointances avec le milieu bordelais, pourrait être protégé. Zamanski, sans être mandaté, enquête en parallèle de la SRPJ. Francis Moret, un vieux caïd, rangé en apparence, demande à Zamanski d’enquêter sur un flic retraité, Philippe Bertin. Il a disparu, au grand étonnement de son épouse et de son fils. Sur ce coup-là, Zamanski pourrait damer le pion à la SRPJ et retrouver quelques lauriers même si pour cela il doit bénéficier de l’appui d’un truand local. Entre temps, Jean-Claude Bertin, à la demande de sa mère, part à la recherche de son père. L’odyssée commence et les surprises arrivent. Le père mène une triple vie, retraité, détective et maître chanteur mais ses jours semblent comptés. Bertin junior oscille entre le dégoût et l’admiration.
Le récit passe alternativement de l’enquête à la quête, de Zamanski au fils Bertin, sans temps mort, progressant naturellement au rythme des découvertes faites par deux limiers qui s’ignorent. L’un prend son temps. Zamanski observe, déduit, fouille. L’autre, Bertin junior, roule à tombereaux ouverts, dérape, patine, accélère encore. La vérité va apparaître aux deux personnages mais des frontières vont être franchies au-delà desquelles on ne revient pas. Comme dans tout bon roman policier, le lecteur hésite aussi entre les deux histoires qui se jouxtent pour finir par se rejoindre, trouvant tout d’abord plus d’intérêt à la remontée de la piste paternelle puis s’attachant au commandant Zamanski à mesure de révélations pointillistes mais explicites. Le style d’Alain Wagneur est fluide, bien rythmé, avec des phrases courtes qui balancent bien. La désillusion est de mise mais une vitalité habite tous les personnages dont on se souvient après avoir posé le livre : Laurence Fuzier dite « Lolo », lieutenant à l’opulente poitrine, Jacqueline Bissel (et poivre), beauté dérivante, Robert Vautier, flic retraité abîmé dans son train électrique, etc. Quelques réflexions issues de la cogitation et du soliloque des protagonistes cadrent bien avec l’atmosphère pépère et délétère de la station balnéaire : « Les morts ne cachent rien : chaussettes trouées, slip taché, col de chemise douteux, sales petits secrets sous les réputations les mieux établies, pulsions honteuses derrière les existences les plus banales. Rien n’échappe aux enquêteurs, rien ne leur est épargné de la réalité des hommes, de leur propre réalité. Et cette connaissance en fait des êtres à part, des flics. » L’auteur ne se voile pas la face et regarde la noirceur sans en rajouter. On y sent ses agacements par une petite remarque bien placée. L’agencement d’observations personnelles ancre le roman dans l’époque et dans une géographie bien française. L’intrigue est intéressante à suivre et tient l’attention alors que les digressions et les notations apportent un charme supplémentaire indéniable. Le dosage subtil entre l’action et la réflexion épice une histoire prenante. Après y avoir goûté, il faudra y revenir et Alain Wagneur a aussi écrit Hécatombe-les-Bains avec Zamanski à Blainville. A noter enfin qu’un film de Pierre Lacan, Légitime défense, avec Jean-Paul Rouvre et Claude Brasseur, s’est très librement inspiré du roman.

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