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[La femme la plus riche du Yorkshire | Fouad Laroui]
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apo



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Posté: Jeu 29 Mar 2012 7:09
MessageSujet du message: [La femme la plus riche du Yorkshire | Fouad Laroui]
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Sur ma lancée romanesque de Fouad Laroui, je trouve le petit Mehdi transformé en Adam Serghini, docteur en économétrie chargé de recherches à l'université d'York, mais surtout décidé à meubler son temps de loisir abondant en s'improvisant ethnologue, soucieux d'étudier l'autochtone - l'Anglais.
Il y a dans sa démarche une certaine revanche identitaire :
"C'était encore hier ! Quand vos pères, et peut-être même vous-mêmes, tiens, quand vous débarquiez du bateau, à Casablanca, en braillant "Où sont les cannibales ?" ; quand vous vous plantiez devant mon grand-père pour lui mesurer le crâne ; quand vous recopiiez sans vergogne les tatouages de ma grand-mère pour les reproduire dans des revues savantes ; quand vous vous installiez dans les villages de l'Atlas pour retranscrire toutes les conversations que vous pouviez capter, même les plus intimes ; quand vous faisiez des schémas très compliqués pour montrer que mes ancêtres n'étaient que des automates qui obéissaient à des lois qu'ils ne comprenaient même pas ; [...]" (p. 61).
Aussi, Adam le professeur maure et métèque, blessé par la perception de soi et de ses origines, se plante-t-il dans un pub, et sans doute n'est-ce pas un hasard qu'il y soit abordé par une virago qui se présente - sans fanfaronner - comme "La femme la plus riche du Yorkshire". Et cette odieuse créature arriviste et vaine doublée d'arbitre des élégances que chaque homme s'empresse de couvrir d'hommages - tributs de vassalité ou espoir de prébende dont la suprême serait la proposition indécente... - s'attache à lui, sans doute pour le narcissisme de lui répéter obstinément qu'il est "just nothing". Un nothing décliné et démontré à l'infini. Sous couvert de méthodologie ethnologique, se profile donc une drôle de (presque-)relation sadomasochiste. D'autant que le chercheur s'acoquine avec jusque les plus infréquentables parmi les improbables relations de la Cruella.
Mais la question de fond demeure : est-ce possible, et jusqu'à quel point, dans ces conditions et sous ce statut absolument inversé, d'étudier les moeurs et rites des indigènes ? Ou plus généralement : L'Anglais, sub specie d'individu (ET outrancièrement bizarre) échapperait-il à la possibilité de constituer un objet de l'ethnologie ? Quelles sont les conditions de l'assise de la reconnaissance de l'observateur et peut-il en faire l'impasse ? Et surtout, l'inversion du statut de l'Autre ne dépendrait-il pas de tout autre chose que d'une question d'origines ?
Il reste que l'exploration (assez systématique) de tout ce qui peut fonder cette inversion de statut est profondément humoristique, et que cet humour n'est pas sans remettre sainement en cause tout un imaginaire orientaliste dans lequel nous baignons plus ou moins inconsciemment.

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