1919. Fraichement démobilisé, Bernard Quesnay devient, avec son frère et son grand-père, directeur associé de l'usine textile que sa famille dirige depuis trois générations à Pont-de-L'Eure (actuelle Pont-de-L'Arche).
Rêveur, idéaliste et naïf, Bernard est formé par son grand-père à la dure vie de patron d'industrie. Réticent au début, ne sachant pas si cette vie est faite pour lui, Bernard finit par enfiler le costume du grand-père auquel il succède à la mort de ce dernier.
Un roman intéressant mais un peu trop rapide. L'auteur ne fait rien pour rendre ses personnages attachants et garde un telle distance avec son sujet qu'on ne sait pas quoi en penser. Il est même très difficile de percer la psychologie de Bernard Quesnay qui va peu à peu renoncer à une douce vie de bohème vers laquelle essayent de l'attirer sa maitresse et un ami écrivain pour se consacrer à son usine, et rien qu'à çà, puisant dans les affaires le sens de sa vie. Abandonné par sa maitresse, son frère, ses amis, Quesnay ne vit que par le travail tandis que son frère, pour ne pas perdre sa femme, suit la pente inverse.
C'est un portrait sans parti-pris de ces familles rudes qui ne vivaient que pour l'affaire qu'elles avaient créée (et qui faisait vivre la région dans laquelle elles l'avaient installée). Ainsi lorsque le grand-père terrassé par une attaque est visité par son héritier, celui-ci peine à trouver un sujet de conversation qui lui change les idées :
Assis autour de l'ancêtre, ils cherchaient en vain un sujet qui put le distraire de son angoisse. "Le Maroc?" pensa Bernard...,"Non, çà lui est égal...Les grèves minières en Angleterre? Non...Qu'ai-je donc vu hier, à Paris La Sainte-Jeanne de Shaw? Je serais bien reçu! C'est étrange, il va peut-être mourir et pourtant, il me semble inconcevable qu'on puisse lui parler avec tendresse ou même avec naturel...Je crois qu'il m'a aimé. Pauvre vieux!".
Roman court (180 pages) qui choisit un angle d'attaque auquel il se tient. En cours de lecture, j'ai parfois eu l'impression que l'auteur avait voulu développer trop de situations annexes et qu'il partait dans tous les sens mais je me trompais. Il retombe sur ses pieds lors de la conclusion et arrive à dire tout ce qu'il avait à dire.
Au niveau du texte, c'est moins tarabiscoté que Climats, mais le sujet s'y prêtant moins, çà ne m'a pas manqué.
En bref, encore un bon roman d'un auteur injustement boudé (et insuffisamment réédité).
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