Philippe Val possède une plume légère qui chatouille, titille et picote l’esprit du lecteur. Le vaccin contre l’intégrisme peut ainsi se trouver au détour d’une phrase simple d’apparence mais complexe dans sa conception si l’on songe à tous les coups de rabot et de polissoir (lectures, discussions, rencontres, expériences, maturité... : toute une ligne de vie en perspective) qui ont été nécessaires pour en expurger les scories. Ainsi, dès la page 8 de son dernier livre Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, on peut lire : « La démocratie a toujours été mon échelle de valeur » et un peu plus loin : « L’intégrisme, c’est la Loi indiscutable de Dieu qui prétend se substituer aux lois votées par les hommes. En refusant le débat, l’intégrisme attaque l’idée même de démocratie ». La ligne est posée d’emblée. Elle induit une trajectoire axée sur ce principe initial auquel l’auteur ne dérogera pas. S’ensuivent vingt et un chapitres d’une dizaine de pages en moyenne qui tissent habilement autour de l’idée de liberté et qui rappellent un parcours personnel d’homme engagé, indépendant et lucide. L’« affaire des caricatures de Mahomet » est la pierre angulaire sur laquelle l’auteur appuie son propos. Le directeur de Charlie Hebdo retrace et clarifie sa décision de reproduire le 8 février 2006 les caricatures du prophète, somme toute banales et malhabiles, publiées initialement dans le quotidien danois Jyllands-Posten en 2005. Les faits relatés chronologiquement parlent d’eux-mêmes et remettent les pendules à l’heure. Le chapitre intitulé « Islamo-nazisme » est édifiant. Enfin, l’« affaire Siné » est évoquée et cela est loin de grandir le dessinateur de presse ainsi que ses affidés. Au passage et alors que rien n’aurait pu le laisser supposer, des personnages médiatiques comme BHL ou Sarkozy père et fils, souvent exaspérants, pour ne pas dire plus, apparaissent sous un éclairage flatteur avec des qualités mises en avant de droiture, constance et courage. Cela est plaisant à lire et à entendre car les hommes et les événements ne sont jamais tranchés mais évoluent plutôt dans l’indéterminé.
Sous l’humour de l’auteur palpite une bile noire que l’histoire poisse sans cesse. Ainsi cette phrase à propos de Marguerite Duras : « Elle incarnait cette culture européenne devenue mélancolique et erratique depuis que ses Lumières avaient été soufflées par le vent glacé des camps de la mort. [...] elle cachait un humanisme français à tendance compassionnelle, finalement assez classique... ». D’autres phrases bien ramassées émaillent le livre comme celle-ci : « Le désert est un labyrinthe sans cloison mais sans issue ». Les qualités d’écriture de Philippe Val augmentent l’intérêt du livre qui se lit d’une traite. Le style vif, l’esprit brillant, le sens de la formule montrent des qualités de moraliste qui séduisent mais peuvent aussi agacer des esprits ancrés dans leurs certitudes. Néanmoins, le contenu du témoignage est du plus grand intérêt. La laïcité et la démocratie sont des acquis fragiles. La presse libre est quasi inexistante en France hormis peut-être Charlie hebdo et Le Canard enchaîné. L’« affaire des caricatures » en est la preuve irréfutable et cela n’augure rien de bon pour l’avenir. La référence à Voltaire dans le titre est plutôt bien choisie si l’on pense au philosophe des Lumières, pourfendeur de l’« infâme » c’est-à-dire de l’intolérance religieuse mais malvenue si l’on se rappelle que François Marie Arouet, dit Voltaire avait la veine antisémite qui palpitait et que ses choix politiques s’orientaient plutôt vers le « despotisme éclairé », ce qui nous éloigne sensiblement des pensées et du propos de Philippe Val.

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[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]

Oui, heureusement que Charlie et le Canard existent, mais de là à dire qu'ils sont libres... Je reste quand-même dubitatif!
Je ne crois pas à la presse libre à ce niveau de tirage.
Disons que peut-être ont-ils une chaine plus longue que les autres. Parce qu'il est nécessaire, dans une "démocratie", de faire preuve de largesse en laissant s'exprimer les contre-informations. Cependant, je ne sais plus pour quelle affaire j'avais médité là-dessus, mais ça faisait plus de 10 ans que les journalistes connaissaient les faits, mais ils n'en ont parlé que lorsque Sarko 1er est arrivé. Même les journaux cités le savaient, et n'avaient rien dit. Peut-être n'y étaient-ils pas autorisés, après tout... Il y a des limites à tout
Bon, mais là j'écris rien que du vent, parce que je ne sais même plus à quelle affaire je fais allusion, ayant un peu oublié ces trucs pour essayer de me concentrer sur ce qui est (plus) essentiel. De toute façon, des affaires, il y en a tellement... et Chirac n'est toujours pas en prison.

Chomsky dit bien comment ça se passe : la presse ne subit pas forcément (pour l(instant) des pressions, mais s'autocensure. Comme ça c'est bouclé. Voir Chomsky et Cie, de Daniel Mermet.

Bonjour Laudateur et merci pour cette prompte réaction. J'ai pris soin dans ma note d'ajouter "peut-être" concernant la liberté relative des quelques journaux cités. Les chaînes existent bel et bien mais elles sont plutôt de l'ordre des idées et de l'autocensure ce qui est conséquent mais inhérent à toute pensée et à tout système de réflexion. Je crois que le livre de Philippe Val montre bien la collusion entre les propriétaires des médias (bétonneur, marchand d'armes, avionneur...) et les journaux eux-mêmes (journalistes, rédacteurs en chef...). Dès que le contenu d'une information peut nuire aux intérêts du propriétaire ainsi qu'aux actionnaires, il est édulcoré, tronqué ou passé à la trappe. Par le jeu des alliances entre le monde politique et économique, les choses se compliquent encore. Enfin, les mannes financières de la publicité qui font vivre les journaux représentent aussi une sérieuse menace. Je crois que vous savez déjà bien tout cela mais c'est toujours bon d'essayer d'être explicite si c'est possible.

Bonne journée Laudateur.

Franz

Je viens de rentrer du boulot et que vois-je ? une note de Franz sur un livre de Philippe Val,que j'ai bien aimé à une époque, et une réponse de Laudateur qui comme souvent nous verse sa douche d'eau froide sur le coin du nez... Sachez Messieurs que je suis, justement, en TRAIN de lire une grosse bio de Voltaire par Pierre Milza... donc le compte rendu du livre de Val ne pouvait que m'appâter!
Globalement Franz je suis d'accord avec toi, longtemps je fus un lecteur assidu de Charlie Hebdo, je suis même allé voir Val au TEP il ya quelques années (avec mon fils et ma fille...) ; cette histoire des caricatures est révélatrice de la timidité des médias actuels qui ne s'empréssèrent pas, c'est le moins que l'on puisse dire, d'appuyer le journal danois et Charlie ; et c'est bien que Val et sa rédaction passèrent outre.
Mais les récentes histoires médiatico-comiques entre Val et Mermet (et toute l'équipe du Monde diplomatique), et plus recemment avec Siné accusé d'anti-sémitisme , m'ont laissé un goût amer. C'est vrai que Siné n'a pas le "bon goût" inné et qu'il défend mordus mordicus les palestiniens , et alors ? je pense qu'il aurait été à l'honneur de Val de passer outre ; car cela se retourne contre lui. Lui le pourfendeur du "politiquement correct"...

D'ailleurs en ce qui concerne l'antisémitisme de Voltaire c'est une chose avèrée mais de quel antisémitisme parle t-on ? il était courant qu'à cette époque la banque, les prêteurs, bref tous ceux qui faisait profession d'argent, et qui accompagnaient les débuts du capitalisme industriel,soient de confession juive puisque le dogme chrétien interdisait le prêt à interêt,de même d'ailleurs qu'il était mal vu pour les nobles de "déchoir" en s'occupant de faire prospérer ses biens...
Le sionisme n'existait pas ,le problème palestinien non plus, seul le vieil antisémitisme chrétien prospérait sous couvert d'ostraciser "le peuple déïcide"... et quand on sait l'apreté de Voltaire à faire fortune et sa propension à faire "chicane " de tout l'on peut comprendre ses réactions... Et il est vrai que NOUS, nous savons que la shoah a existé.

Bonjour amiread1,

Oui, bien sûr, tu as raison. Il faut contextualiser les pensées de Voltaire mais il s'agit d'une récupération faite par Philippe Val et les parallèles entre le passé et le présent se font presque malgré soi. Moi aussi j'ai été un lecteur assidu de Charlie hebdo mais le journal a fini par provoquer chez moi une lassitude. Je sentais les journalistes anonner. Après ces années de rupture, cela m'a fait plaisir de renouer avec la pensée "démocratique" de Philippe Val. Quant à l'affaire Siné, elle est plus nuancée dans le livre. Sa chronique incriminée, Siné sème sa zone, est pleine de confusion et de sous-entendus vraiment foireux. Val lui a demandé de rectifier le tir et l'autre têtu s'est obstiné. Siné est parti de lui-même mais cela couvait depuis bien longtemps. Val a défendu des positions apparemment honorables. Dommage mais inévitable !

Allez, je finis moi aussi ma journée mais j'ai encore du pain sur la planche.

PS Je n'ai pas pris le message de Laudateur comme une "douche froide" mais avec plaisir. Je sais, tu exagérais ton propos, amiread1.

Bonne fin de semaine.

Franz

Salut à vous deux,

Non, je comprends que Amiread1 prenne mes propos comme une douche froide. Mais que voulez-vous, je ne fais qu'écrire ce que je pense

C'est difficile à entendre aujourd'hui, parce que c'est très chargé d'émotions, et comme le dit Ami, "nous, nous savons que la Schoah a existé", mais il est des lieux communs propres à des époques, et la culpabilité des juifs sur tous les phénomènes de la société c'est un lieu commun tenace, qui - par certains côtés - parvient à revenir aujourd'hui.

Et c'est vrai que les chrétiens ont théologisé ce lieu commun, histoire de justifier leurs luttes antijuives (ceci dit, ceci ne serait jamais arrivé s'ils n'avaient pas été, à une époque, détenteurs du pouvoir, braves chrétiens pris dans les rouages de l'Etat).

Il faut comprendre qu'il était normal d'être antijuif à l'époque de Voltaire. Cela ne voulait pas dire qu'on voulait détruire le juif. C'est comme à notre époque : on est ant-RMiste. Si, si... le RMiste est un p'tin de fainéant qui ne veut pas travailler et sucer la moelle de notre société de bons travailleurs fidèles et dévoués. Et le chômeur arrive pas loin derrière lui. C'est la raison pour laquelle on bride de plus en plus les chômeurs, qu'on leur fait faire des stages bidons et ridicules, et qu'on le force à accepter du taf coûte que coûte, et qu'on dégressive leur allocation. Le malade est visé lui aussi. Tous ces gens qui foutent la "valeur travail" en l'air. Discours propagandistes parfois défendus avec vigueur par des chrétiens, influents en général, sous couvert de bonne moralité.

Ben voui, les chrétiens sont des humains comme les autres, et certains pensent être des "super-humains". Tant pis pour ceux qui les croient.

En tout cas, tout ça m'a donné envie de lire ton bouquin, merci!

Bonsoir Laudateur. En lisant ton post je t'ai bien reconnu Là. MAIS de la à comparer l'ostracisme que les juifs ont pu subir au fil des siècles de la part des chrétiens, et surtout des "élites" catholiques, (et pas forcemment du Pape, puisque tu n'es pas sans ignorer la mensuétude que les successeurs de ST Pierre ont eu envers les juifs-CF Le Comtat Venaissin, Avignon...etc au 15e siecle), avec,donc, les RMIstes....et autres réprouvés de notre société avancée du 21e siècle , je trouve que tu amalgames un tantinet too much !
C'est patent que dans notre monde occidentalisé et chrétien la figure du juif a souvent servi de bouc émissaire ; aujourd'hui l'ostracisme du juif n'est plus (tellement) a chercher dans une quelconque généalogie catholique mais plutôt dans "l'ici et maintenant" des évenements . (cf: regarder la TV....)

Bon, quant aux sentiments de Voltaire ??!! normal ? pas normal? Zola avant de prendre fait et cause pour Dreyfus se conformait au "politiquement correct" de l'époque, il n'aimait pas les juifs parce que tout simplement ils reprèsentaient "La Finance" honnie, la ploutocratie...
Zola n'avait tout simplement pas encore mis en marche son "moteur de recherche" humaniste qui un peu plus tard lui reprèsentera Dreyfus non seulement comme un juif mais comme un homme confronté à l'injustice,aux mensonges, à l'iniquité... Le message du judaïsme qui revient "par la bande" dans les pattes de Zola...

Allez Bonsoir Laudateur, je m'en vais pondre une petite note sur un opuscule de Pascal Sevran, des cîmes de la pensée (second degré...) nous allons attérrir dans le marigot des commérages provinciaux... (mais cela repose l'esprit...).

J’imagine que les Juifs tirent leur boulet depuis des temps immémoriaux. Puisque l’aristocratie méprisait le commerce et l’argent, les Juifs ont pu exercer leurs talents dans le négoce et l’usure. Ils auraient pu faire autre chose, inventer la relativité, la psychanalyse, la bombe à neuneu, que sais-je ? Les nazis se sont appuyés sur une idéologie déjà bien ancrée dans les siècles des siècles. Ils ont emboîté le pas à tous les autres mais avec un petit plus, la « solution finale ». Cela a anéanti l’humanité et je crois, comme Val le dit si bien, que l’esprit des Lumières en a été soufflé.

Bonne soirée.

Franz

Et c'est vrai qu'après la "solution finale" (et aussi le goulag) l'esprit des lumières a bien pâli...
Vouloir le bien de l'humanité et déclancher des cataclysmes !! y a que des idéalistes pour être aussi inconséquents..

Galèjade,galéjades...on en finirait pas de pointer du doigt (et du clavier...)tous les disfonctionnements du plan ,soi disant pré-établi, de Dieu...

Bonne soirée Franz, je suis en train de me délecter de ta note sur les nuages...