Le fantôme est ce qui reste, sur un rayonnage de bibliothèque, d’un livre emprunté ou disparu. Support cartonné suffisamment rigide pour ne pas se froisser et se déchirer, il porte en plus de l'auteur, du titre et de la cote, soit le nom de l’emprunteur, soit l’endroit où retrouver le document ainsi que la date du prélèvement (exemple : bureau du bibliothécaire, 1974. On est en 2008 et le fantôme jauni est toujours en place !). Sur le ton léger de la confidence faite à un ami, c’est-à-dire au lecteur, Jacques Bonnet parle de sa frénésie de lecture et de son corollaire, l’accumulation abyssale des livres. La facilité de lecture que l’on éprouve au fil des pages et des courts chapitres procure une joie pétillante, une réelle connivence. L’érudition de l’auteur est parfaitement assimilée et rendue accessible, sans la moindre emphase ou lourdeur. De plus, on sent la sincérité dans le propos, l’absence totale de pose et on voue naturellement une grande confiance dans les goûts de lecture de Jacques Bonnet. Plus encore, on sent émerger une fraternité pour l’amour de la « chose imprimée ». On ne sait pas d’où cela vient mais on se reconnaît aux mêmes morsures, aux mêmes poisons salutaires qui fusent en nous. La citation de Borges, au début du chapitre 8, intitulé « Le monde à sa portée », est en ce sens révélatrice : « Comme tous les hommes de la Bibliothèque, j’ai voyagé dans ma jeunesse ; j’ai effectué des pérégrinations à la recherche d’un livre et peut-être du catalogue des catalogues ». Mes premiers voyages émancipateurs furent aussi accomplis dans la quête de livres convoités aux étals parisiens des bords de Seine. Appartient-on pour autant à une société secrète et informelle de lecteurs ? On aimerait y croire surtout quand on songe aux voyages que les livres effectuent jusqu’à nous par l’intermédiaire de conversations, de blogs, de libraires, d’auteurs, de critiques… Il y a bien un passage de relais invisible que le livre matérialise et comme l’écrit Jacques Bonnet : « Prendre un livre en main et découvrir ce qu’il contient vraiment revient à donner de la chair, c’est-à-dire une épaisseur et une densité qu’il ne perdra plus jamais… ».

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Le titre de ce livre m'a fait pensé à un spectacle au quel j'ai assisté dans une bibliothèque, c'était magique et surprenant....nous étions au milieu des livres. Le soir venu quand la lumière s'eteint et que la porte se ferme, les personnages sortent de leur livres, se croisent et se rencontrent dans les rayonnages, ils se racontent leur vie et les rencontres qu'ils font avec certains lecteurs....
J'aimerais une nuit rester enfermée dans une bibliothèque afin de rencontrer certains personnages qui m'ont emmenés dans leur histoire et font voyager...

Merci mamoune pour la réaction à ma note de lecture. Il y a beaucoup à dire sur les fantômes en bibliothèques. La mise en scène à laquelle vous avez assisté est une réponse. On peut aussi voir des fantômes dans tous ces personnages qui dorment dans les livres, souvent des fragments de l'âme de l'écrivain défunt et qui ne ressusciteront que lors d'une lecture continue et attentive. Le survol d'un livre ne suffit probablement pas à ranimer le feu sous la cendre. Plus prosaïquement, on peut craindre d'apercevoir des fantômes ambulants (en peu de chair et beaucoup d'os) quand certains lecteurs chenus et blanchis, certains employés faisant partie des meubles, errent et glissent entre les rayonnages.

Un jour j'ai du disserter sur une citation qui affirmait que les livres étaient des vampires exsangues qui se nourrissaient des lecteurs.
Vous me faites penser à cela.
Je vais me mettre en quête de cette citation...

Bonjour michmaa,

Peut-être la citation vient-elle du "Vol du vampire" de Michel Tournier ?

oui !

Merci pour cette citation j'adore littéralement