Dans le jardin du monde, un homme, Louis, une femme, Lise et leur fils Joachim vivent un bonheur absolu en osmose avec la nature. Les saisons passent et les trois ombres arrivent. Trois cavaliers indistincts se profilent. La mort vient chercher l’enfant. Les parents le savent et le sentent. Une course-poursuite perdue d’avance va s’engager entre le père, son fils et les trois ombres. Retour aux sources, au pays originel, à travers les époques et les tumultes, rien n’aboutit. Le père se dépouille de son or puis cède son âme mais rien n’y fait. Aurore, Fortune et Nuisette, les trois ombres, sont opiniâtres : « Vous pensiez vous échapper. En réalité vous vous précipitez vers votre destin. » C’est le fils qui redonne souffle au père. La fin du récit reprend sur le même ton qu’au début mais avec des variantes qui rendent l’histoire dans son ensemble bouleversante. Tout est question de présence. L’absence d’un être ne saurait jamais être comblé.
Le graphisme tout en sinuosité de Cyril Pedrosa trouve peut-être sa meilleure illustration en page 263 quand le chat, vu à hauteur d’oiseau, traverse le jardin. Dans un monde vacillant fait d’ombre et de lumière, « Tenir debout. Rester du côté des vivants » est un message plein de ferveur qui touche au cœur.
Véritable roman graphique en noir et blanc de 268 pages édité en 2007 chez Delcourt dans la collection Shampooing où cohabitent Wizz & Buzz de Winshluss et Cizo, Les carnets de Joann Sfar ou encore les Chroniques birmanes de Guy Delisle, « Trois ombres » utilise les ressorts et réinjecte les ingrédients qui constituent le manga, le comics et la bande dessinée underground. L’histoire mêle aussi avec un certain brio le conte pour enfant, le fantastique et les symboles. Les personnages possèdent une vérité humaine. Ils sont crédibles et touchants comme lors de la séquence terrible, sans parole, entre Louis et l’esclave enchaînée. Va-t-il la délivrer ? Il en a la possibilité durant un instant mais l’esclavagiste surgit, entraîne Louis au dehors et la porte claque sur la détresse de la prisonnière rendue à sa prostration. Un seul bémol, toutefois, vient atténuer le concert de louanges. Le récit peut sembler parfois un peu décousu et le dessin, en dépit de ses qualités, n’est pas toujours lisible. Si les silhouettes, les décors et les ambiances sont bien rendus, les visages sont brouillés, ébauchés et malheureusement inexpressifs.
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