La retraite en chouinant.
Bonaparte tergiverse dans la grande cité moscovite calcinée. Il espère une reddition du tsar Alexandre, une paix avantageuse et un retrait auréolé de gloriole mais l’armée russe s’est dérobée et le tsar ne répond pas. Pressé par ses officiers qui pressentent une catastrophe imminente avec la raréfaction des vivres, les attaques incessantes des Cosaques, le manque d’équipement face au froid, Bonaparte se braque et se fait cassant. Génial stratège et piètre logisticien, l’empereur des Français s’enferre dans ses chimères. Le temps tourne en faveur des Russes attentistes. Le départ de Moscou se fait le 18 octobre 1812 mais la neige poudroie déjà le sol. Le sort des Français est scellé.
Le 2e tome de la trilogie consacrée à la Bérézina, gravée au fer rouge dans la mémoire collective française, est une réussite formelle et narrative. Malgré l’évidence d’un désastre annoncé, le suspense est total. Le lecteur ne peut croire que toute la geste napoléonienne va s’effondrer subitement, emportant dans la nuit et l’oubli tant de jeunesse et d’espoir mais les faits sont têtus et l’histoire se répète avec des nuances dérisoires. Ivan Gil, le dessinateur espagnol, peaufine une œuvre minutieusement documentée. Ses planches pleine page ont la grandeur d’un tableau d’époque inspiré. La mise en couleur est remarquable. Progressivement, la grisaille enveloppe les hommes et s’installe en despote indifférent, balayant les fugaces lumières automnales. Les visages se creusent, les corps s’affaissent. Le pire est encore à venir.
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