Ruth Rendell ne m'a jamais déçue. Même si j'ai une préférence pour certains de ses titres, j'entame chacun de ses romans avec la quasi certitude que j'y retrouverai son efficacité, son écriture fluide et élégante, et surtout cet intérêt qu'elle sait nous faire partager pour la psychologie de ses personnages.
Dans "Un enfant pour une autre", ce n'est pas une fois de plus l'intrigue policière qui nous maintient en haleine. Les ressorts en sont même plutôt grossiers, en tous cas rebattus... : par le truchement de deux histoires que nous suivons en parallèle, l'auteure évoque le kidnapping d'un enfant en vue de compenser la perte d'un autre.
Benet, jeune écrivaine et jeune maman d'un petit James, reçoit sa mère Mopsa pour quelques jours. Les rapports entre les deux femmes n'ont jamais été au beau fixe. Mopsa est psychologiquement instable, et sa fille a beaucoup souffert, enfant, de la négligence et des accès de démence maternels. Mais Benet est décidée à faire bonne figure et à se montrer magnanime, c'est aussi l'occasion pour son fils de deux ans de faire connaissance avec cette grand-mère qu'il n'a pas encore rencontrée. En effet, les parents de l'auteure vivent en Espagne depuis quelques années, et ont accueilli avec froideur la naissance de ce fils que Benet élève, selon son choix, seule. La visite de Mopsa est rapidement source de complications : James, malade, doit séjourner à l'hôpital, et Benet se retrouve prise entre deux feux, devant gérer à la fois l’inquiétude que suscite l'état de son fils et les angoisses de sa mère qui refuse de rester seule pendant qu'elle veille sur son fils.
Carol aussi est mère célibataire. Elle a laissé la charge, par commodité, de ses deux aînés aux services sociaux, et s'occupe tant bien que mal de Jason, son petit dernier. Le garçonnet transite d'un foyer à l'autre, gardé par des amies de sa mère ou par sa grand-mère, pendant que Carol enchaîne les petits boulots, et prend du bon temps en compagnie de Barry, son dernier petit ami en date, qui s'est installé avec elle.
Barry est plus jeune qu'elle, il a un peu plus de vingt ans. Ce jeune homme gentil mais effacé, est tiraillé entre l'amour éperdu qu'il éprouve pour Carol, et sa conscience, qui parfois lui souffle que cette dernière n'est sans doute pas une mère très attentive ou affectueuse. Mais il finit toujours, lâchement, par lui trouver toutes les excuses du monde...
L'intrigue est bâtie autour de la spirale formée par les pensées, les émotions dans lesquels s'enferment les personnages. Chacun apporte au chassé-croisé qu'orchestre Ruth Rendell le poids de ses préoccupations, de ses doutes, apportant ainsi, pierre après pierre, sa contribution à la trame équilibrée du récit.
Comme dans "L'analphabète", l'auteure se penche avec ce titre sur les symptômes traduisant les limites d'une société à deux vitesses, et les inégalités liées à la fracture sociale et économique (le roman date de 1984, et se déroule en Angleterre). Là aussi, elle insiste sur ce qui semble selon elle constituer l'un des principaux fléaux qui sévit dans les milieux défavorisés : le misère culturelle, à laquelle serait liée une forme de pauvreté intellectuelle, et une dévalorisation de soi que l'on camoufle sous un vernis de certitudes faciles et d'assurance bornée.
Au-delà de cette peinture sociale, elle s'interroge également sur la légitimité et l'importance de la filiation biologique, et sur le rôle déterminant de l'affection parentale dans la construction des individus. Etre parent se mérite-t-il ? Qui peut juger de la capacité d'un père ou d'une mère a être un bon parent ?
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