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[Je suis une bacha posh | Ukmina Manoori - Stéphanie Lebrun]
Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 23 Aoû 2007
Messages: 1959
Localisation: Ile-de-France
Âge: 52 Poissons


Posté: Sam 17 Mai 2014 10:52
MessageSujet du message: [Je suis une bacha posh | Ukmina Manoori - Stéphanie Lebrun]
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L'ami Le Régent m'avait fait remarquer, il y a quelques mois, l'utilité des travaux ethnologiques dans la question des théories (ou études) de genre. J'ai donc suivi son conseil et me suis projeté en Afghanistan, qui m'intéresse d'ailleurs pour plusieurs raisons, où l'on trouve la réponse définitive à la question de la pertinence du genre.

En effet, dans ce pays où les femmes ont vocation à la ségrégation domestique, le père de famille peut décréter, en cas d'absence d'héritier mâle donc de manque de main d'oeuvre infantile, qu'une de ses filles acquiert le genre masculin : "Tu seras un garçon, ma fille". Cette personne sera appelée "bacha posh", elle sera éduquée en garçon, avec tous les droits et obligations que cela entraîne dont notamment celle du travail à l'extérieur, sera appelée par un prénom masculin, jouera, s'habillera, socialisera, se développera musculairement et psychiquement comme un garçon, ira éventuellement à l'école... et ce jusqu'à la puberté, où en principe elle rentrera dans les rôles socialement assignés. En principe. Car les effets de genre ont parfois raison non seulement du biologique mais également des diktats sociaux et religieux, et certaines "bacha posh" au caractère particulièrement bien trempé luttent pour continuer de porter turban, pantalon bouffant plutôt que la burqa et y parviennent, au prix du renoncement au mariage et à la vie de famille. Ajoutons d'emblée - pour ceux qui se posent ce type de questions en France actuellement - que cela ne semble pas du tout provoquer l'homosexualité ni même le moindre doute sur son identité sexuelle, mais que les inévitables effets psychiques du genre, très étendus et profonds chez nous tous, comme on l'apprend et mesure "par absurde", affectent sans doute cette sphère aussi. Ainsi, une "bacha posh" afghane illettrée intègre très naturellement la dichotomie conceptuelle genre-sexe - qui nous pose tant de problèmes, à nous... - sans aucune confusion possible, mais avec les aléas de sa propre biographie quant à la prépondérance de l'un sur l'autre, et surtout la possibilité qui en découle (de manière caractérielle donc psychique - c-à-d en se prévalant du "courage", de la "vaillance" de l'homme) d'imposer peut-être son choix s'il est contradictoire avec la norme sociale.

Ce livre est le témoignage d'Ukmina alias Hukomkhan Manoori, "bacha posh" confirmée et cependant hadji, appartenant à l'ethnie pachtoune, moudjahid à l'époque de la guerre soviétique, aujourd'hui élue au conseil de la province de Khost, ayant serré la main du Président Karzai, de Hillary Clinton et Michelle Obama, montagnarde illettrée, écrit à quatre mains avec la journaliste française Stéphanie Lebrun. Elle raconte sa vie, tout simplement. (Bien qu'il ne soit jamais simple, pour nous lecteurs, de décrypter la "simplicité" dans les textes écrits de cette manière, vu l'impossibilité de mesurer la profondeur de l'intervention de l'écrivant...). Elle parle de "bacha posh" devenues femmes, de ses galons de "guerrière" qui lui ont finalement accordé une place dans la société, de sa réclusion et de sa peur sous les talibans, des premières élections et de la conception assez particulière de la démocratie en Afghanistan, qui a même changé de nom en "amakrasi" : " "Tout le monde fait n'importe quoi." Et, par extension, l'émancipation des femmes." (p. 120) ; elle énonce sa théorie de l'inégalité entre hommes et femmes, et se situe par rapport à elle : "Les femmes et les hommes ne sont pas semblables. Les hommes sont braves et cruels. Les femmes sont bonnes et faibles. Je suis brave comme un homme et j'ai la bonté des femmes. Je peux me montrer cruelle s'il le faut, mais jamais faible. Je vais les aider [les femmes] à moins subir la cruauté des hommes." (p. 126) ; elle parle de son sentiment religieux, du Hadj, de sa certitude de ne pas "vivre dans le péché" contrairement à l'opinion des mollahs ; elle raconte les abominations (selon notre façon de voir) que subissent les femmes afghanes dans leur familles et auxquelles elle est appelée à prêter son écoute et son aide, mais sans aucune admiration pour ce qu'elle a vu des femmes occidentales et de leurs manières désinvoltes, en fait aspirant à faire évoluer des mentalités à l'intérieur du cadre des valeurs partagées (comme nous tous...) ; elle parle, dans le même ordre d'idées, des incompréhensions, malentendus et de ses propres griefs contre l'armée d'occupation de l'OTAN (et ses chiens, animaux impurs), avec laquelle elle a été amenée à collaborer ; elle a sa vision du courage de certaines femmes, ses idoles...
L'épilogue ouvre un aperçu à peine esquissé, avec beaucoup de pudeur, sur la condition d'une vie privée d'amour.

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le_regent



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 13 Oct 2011
Messages: 174
Localisation: sud du Cher
Âge: 77 Scorpion


Posté: Sam 17 Mai 2014 11:37
MessageSujet du message:
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Bonjour Apo
J'avais entendu parler de ce livre, mais je n'étais pas sûr qu'il ne soit pas un coup éditorial, cultivant le spectaculaire. Après avoir lu ta note, je sais que c'est un livre que je DOIS lire.
Cordialement
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Auteur    Message
Swann




Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 19 Juin 2006
Messages: 2642


Posté: Jeu 29 Mai 2014 8:30
MessageSujet du message:
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Ce sont des parcours de vie d'autant plus étonnants qu'ils sont rarissimes ! La banalisation d'un phénomène (l'adoption, par exemple) adoucit ses angles, permet un modus vivendi, offre des moules dans lesquels un désarroi peut se couler et s'organiser. Pas facile pour la bacha posh. Je me demande si Tahar Ben Jelloun n'avait pas écrit un roman dont le héros était en réalité une héroïne faite garçon par la volonté de son père ; je l'ai lu quand j'étais ado (il y a longtemps, donc) et j'en ai oublié le titre.
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Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 23 Aoû 2007
Messages: 1959
Localisation: Ile-de-France
Âge: 52 Poissons


Posté: Jeu 29 Mai 2014 8:47
MessageSujet du message:
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Bonjour l'amie,
L'enfant de sable ?

D'après ce témoignage, en Afghanistan, ou au moins dans les régions pachtounes, les bacha posh ne seraient pas si rares ; celles qui le demeurent après la puberté, en revanche, semblent être exceptionnelles.
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Auteur    Message
C-Maupin




Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 06 Mai 2006
Messages: 1917


Posté: Jeu 29 Mai 2014 8:49
MessageSujet du message:
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« Swann » a écrit:
Je me demande si Tahar Ben Jelloun n'avait pas écrit un roman dont le héros était en réalité une héroïne faite garçon par la volonté de son père ; je l'ai lu quand j'étais ado (il y a longtemps, donc) et j'en ai oublié le titre.

Je pense qu'il s'agit de l'enfant de sable et sa suite la nuit sacrée
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