La neige par-dessus la terre.
Avec ses introuvables routes aussi tarabiscotées que la rivière de la Rimandoule est linéaire, la commune de Truinas s’éparpille, insaisissable malgré une ceinture de montagnes dentues et boisées. Dans le minuscule cimetière attenant à l’église Saint-Jean-Baptiste, la tombe du poète André du Bouchet (1924-2001) est réduite à sa plus simple expression. Pourtant elle irradie encore malgré l’effacement et l’effarement des années. Le 21 avril 2001, Philippe Jaccottet (1925-2021), vient assister à l’inhumation de son ami et frère d’âme en poésie avec les feuillets qu’il a composés la nuit précédente et qu’il va lire sotto voce. Il travaillera ensuite son texte pendant trois ans pour le faire paraître en 2004 chez l’éditeur suisse La Dogana. Coiffés d’un titre lapidaire, les fragiles feuillets vont tenter de nouer la mort à la vie, l’obscurité à la clarté. Partant de l’ultime lettre reçue par son ami le 31 mars 2001, Jaccottet tisse à partir du fragment : « Arrivé à Truinas dans une merveilleuse tempête de neige » un chemin de lumière avec la neige poudreuse tombée le 21 avril 2001, jour de l’enterrement. Les mots ne pèsent rien face à la béance de l’absence mais le poète se remémore, digresse et creuse sa présence au monde dans l’éblouissement de cette journée aiguisée : « Et là-dessus, la neige légère, comme les plumes abandonnées par une migration tardive ».
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