Cassez des voyous à Cayenne.
Eugène Dieudonné (1884-1944), anarchiste notoire et honnête homme est accusé à tort d’avoir participé au braquage de la rue Ordener perpétré par la bande à Bonnot. Même innocenté par le testament de Jules Bonnot rédigé sous la mitraille des forces de l’ordre, malgré l’appui d’un solide alibi, Dieudonné voit sa peine capitale commuée en travaux forcés à perpétuité en Guyane française qu’il atteint en 1913. L’enfer s’ouvre alors pour le broyer et le liquéfier. Sa seule échappatoire consiste à prendre la tangente mais peut-on s’extirper d’une nature aussi piégeuse ? Albert Londres (1884-1932), journaliste d’exception et d’investigation débarque en 1923 aux Îles du Salut, à Cayenne puis à Saint-Laurent-du-Maroni, tous trois lieux de bagne, « usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice ». La rencontre entre Londres et Dieudonné va produire étincelles et révélations.
1er volume d’un diptyque, « Dans l’enfer du bagne » est une claque. Le graphisme, les couleurs et l’histoire œuvrent en synergie, délivrant un récit visuel percutant. Le parti-pris d’utiliser de larges aplats noirs et de limiter la palette graphique à quelques tons majeurs (bleu, gris, beige et rouge), loin d’affadir le propos, servent au mieux la narration, rendant compte au plus près du désarroi humain. Le lecteur souhaiterait que le scénariste ait brodé mais le détail le plus sordide éclate dans sa vérité crue tel le glaire de tuberculeux monnayé. En fin de volume, la bibliographie sélective et les cinq pages de présentation de l’histoire du bagne finissent de convaincre le lecteur qu’il est face à une ignominie sociale qui a bien eu lieu dans un passé relativement proche. Le bagne sera officiellement supprimé en 1938 mais ce n’est qu’en 1953 que les derniers forçats rentreront en métropole.
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