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[Le village métamorphosé : révolution dans la France pro...]
Auteur    Message
Franz



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Posté: Lun 12 Mai 2008 12:37
MessageSujet du message: [Le village métamorphosé : révolution dans la France pro...]
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[Le village métamorphosé : révolution dans la France profonde | Pascal Dibie]

L’ethnologue Pascal Dibie (né en 1949) met en exergue de son récit un extrait de 1984 du grand George Orwell qui donne le ton : « On pouvait ruser… mais tôt ou tard, c’était forcé, ils vous avaient. » Le Village métamorphosé (2006) fait écho au Village retrouvé (1979). Il est écrit dans un intervalle de vingt-sept ans à propos du village de Chichery situé entre Migennes et Auxerre, en Bourgogne du nord. En dépit d’une couverture laide estampillée Terre humaine, l’étude ethnologique est du plus grand intérêt, vivante, foisonnante, attachée à rendre compte du quotidien du village pour mieux toucher à l’universel. Sont convoqués Bachelard, Mauss, Leroi-Gourhan, Condominas, Jean Monod, Moscovici, Haudricourt… ainsi que le maire de Chichery, Armand le copain bricoleur, Jérôme l’ami d’enfance… à travers des portraits touchants faisant appel au vécu de l’auteur. Des photographies, des croquis, des extraits des carnets de terrain ou du journal de bord, des notes en bas de page structurent et dynamisent le récit écrit d’une plume alerte, précise, fluide. La prolifération des objets, la « patrimonialisation » à outrance, l’omniprésence de la voiture, l’expansion de la rurbanité, la perte des repères : « le paysage disparaît à partir du moment où on ne sait plus le nommer », la pollution tous azimuts dessinent une configuration postmoderne de la vie d’un village ordinaire. L’auteur ne cache pas son souci d’être au plus près de la vie de tous les jours comme en témoigne son journal : « En écrivant le chapitre sur les ordures, le bricolage, les objets, les décors, je découvre qu’il n’y a que la chair, la vérité qui peut donner du relief. Sinon c’est de la plate sociologie, du psittacisme intelligent ». On se trouve au plus près de la vie de l’auteur au sein de son village. Dans la mise à nu qui découle de l’étude sociologique, le lecteur superpose son regard à celui de Pascal Dibie avec le sentiment de passer au scalpel la vie d’amis offerte par eux sans arrière-pensée. On se prendrait à s’excuser pour l’intrusion opérée dans le quotidien des habitants de Chichery mais l’intelligence de l’ethnologue fait du lecteur l’hôte de ses amis. La qualité du regard de Pascal Dibie restitue toute la densité du vide qui meuble les existences. La perte des repères n’en est que plus vertigineuse. La mélancolie suinte parfois entre les phrases chargées de cercler un passé qui s’esquive. Le vide-grenier à la ferme est l’occasion de ressusciter un autrefois encore tout juste compréhensible : « …j’éprouve le sentiment fort en cette ferme où, enfant, je venais chercher du lait, d’engranger tout le charme d’un vrai grenier, de toucher le grené d’une vie juste évanouie ». La religion catholique, aujourd’hui en déshérence, ciment des sociétés de naguère, occupe tout un chapitre. Le célibat des prêtres est abordé avec justesse à travers la parole des intéressés : « …une dimension de la solitude est liée à la personnalisation de notre existence… ». Le dernier tiers du livre est centré sur l’élevage bovin. L’étable s’appelle une stabulation, les vaches des UGB, Unité Gros Bétail. Le lecteur stupéfait regarde passer le train du progrès et rumine de sombres pensées à voir la marche forcée d’une société technicienne toujours plus polluée et policée. L’éleveur sait maintenant faire des transferts d’embryons d’une vache du cheptel sélectionnée pour ses qualités génétiques aux autres vaches receveuses à l’aide de sondes et de seringues. « Il sait tout des temps de traitement hormonal, de la stimulation ovarienne pour déclencher une super ovulation… ; il synchronise le cycle œstridé des receveuses sur la superpondeuse, calculant pour que l’utérus de ces dernières se trouve à un stade équivalent à l’âge de l’embryon qui devra être transplanté. » Les UGB n’ont plus la force musculaire et les articulations suffisantes pour supporter leurs poids. Elles passent leur temps le plus souvent allongées. Quand à l’agriculture, le système GPS va apporter une précision jusqu’à lors impensable, de jour comme de nuit. Les pulvérisations sur les champs seront calculées au centilitre. Les informations satellites donneront « taux de fertilisation, rendement, analyse du sol, précipitations, apparition de maladies, d’insectes, même les coûts. Y a tout, et on y est, suffit plus que de se brancher ! » Les moissons se feront depuis un bureau, en téléguidage. Comme les curés, les paysans disparaissent des campagnes car la technologie, omniprésente, accapare les techniques agricoles. Certains projets à peine futuristes envisagent de « construire dans les villes de véritables fermes-usines alimentaires de proximité », bâtiment d’un kilomètre de long, de six étages, contenant 250 000 poules pondeuses, un million de poulets de chair, 300 000 porcs, quelques dizaines de milliers de saumons élevés au sous-sol en piscine, des caves à champignons et à endives, des serres sous les toits pour les laitues, tomates, poivrons, des unités d’abattage, de conditionnement, de conservation… L’hyper rationalisation a quelque chose qui fait froid dans le dos, peut-être est-ce dû à une déshumanisation galopante et à une extrême fragilité d’un système complexe et vital ? Pascal Dibie imagine, dans les dernières pages de son étude, une vie de quartier en 2084. Le lecteur fait alors le parallèle avec 1984 de George Orwell cité en début de livre. Enfin, en postface, l’auteur, inquiet, plaide pour que l’ethnologie perdure dans son enseignement et ses pratiques. Il cite avec justesse le poète Yves Bonnefoy pour évoquer « la qualité de présence » et propose d’ajouter à la pensée conceptuelle une pensée poétique. En faisant de l’ethnologie « sensible », Pascal Dibie touche à la vérité de l’être et finit d’éblouir le lecteur reconnaissant.

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Auteur    Message
amiread1



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Posté: Ven 16 Mai 2008 23:57
MessageSujet du message:
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Un vrai article (de foi) ta note lecture Franz ! je met ce livre "en attente" (j'en avais plus ou moins "entendu parler", ou lu un article sur...). La référence à 1984 est incontournable. Je suis né "à la campagne" et vis encore dans un petit chef-lieu de canton rural ; non seulement tout ce qu'a pu constater Dibie est juste (enfin je veux dire que ce que je constate de la vie ici est bien celle qu'il a relatée de Chichery). L'hyper technologie fait froid dans le dos et ce qui me fait peur et m'inquiète c'est que la plupart des personnes que je cotoie n'ont aucune prévention sérieuse contre cet état de fait, elles sont prètes à s'accomoder de beaucoup de choses du moment que leur petit confort, physique et moral, soit intact ; faire "pousser" des poulets commes des tomates dans des conditions innommables, bof si la cuisse de poulet est toujours à un côut abordable....
(confession perso; j'ai fait 3 ans d'études en lycée agricole pour intégrer Grignon et devenir ingénieur agro, j'ai laissé tomber après le bac, écoeuré par le "déni du vivant" et par,déjà (en 69-70), la religion de la "performance". à l'époque j'étais un fan de René Dumont... mais qui se souvient de René Dumont ? ).

Ah oui Franz, je reviens de la Sierra de Cazorla (cf un échange de notes précédent)... je me suis juste trompé dans le choix de mes chaussures , au lieu d'emmener mes Lowa de marche j'aurais mieux fait d'emmener une bonne paire de bottes et des cuissardes...j'avais oublier que l'Andalousie n'était pas TOUJOURS le pays du soleil...!
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Chichery et Cazorla vont en bateau...
Auteur    Message
Franz



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Âge: 63 Lion


Posté: Lun 19 Mai 2008 11:06
MessageSujet du message: Chichery et Cazorla vont en bateau...
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Bonjour amiread1,

Merci pour ton message en réaction à mon long résumé. J'aurais pu faire plus court mais j'ai voulu laisser quelques détails (sur les prélèvements d'embryons bovins notamment) qui donnent "chair" à l'ouvrage de Pascal Dibie. Son livre d'ethnologie ne se lit pas comme un roman. Il faut du temps et un intérêt pour la vie des champs.

Est-ce que la sierra de Cazorla est toujours aussi habitée par les animaux sauvages ? La roche calcaire fissurée à l'extrême ne retient pas l'eau. J'en déduis que tu as dû ramasser des saucées homériques.


Dernière édition par Franz le Mar 27 Mai 2008 9:30; édité 1 fois
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Auteur    Message
amiread1



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Posté: Lun 19 Mai 2008 23:19
MessageSujet du message:
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Hélas,hélas,hélas,Franz ; une bonne semaine de pluie presque continue, toutes les bestioles se terraient... j'ai quand même pu observer presque quotidiennement les orbes des vautours fauves et percnoptères... rien que pour cela je ne regrette pas. En France il faut aller dans les gorges de la Jonte (et c'est vrai maintenant l'on peut en observer parfois sur les Causses avoisinnant), mais il y en a pas autant ensemble;

Ta note de lecture m'a bizzarement fait penser aux livres de Pierre Jourde sur la campagne (plus particulierement Pays perdu ,"roman" sur une société paysanne en disparition).
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Vautours en Drôme
Auteur    Message
Franz



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Posté: Mar 20 Mai 2008 8:38
MessageSujet du message: Vautours en Drôme
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Bonjour amiread1,

Je ne connais pas le livre de Jourde ni ceux de Trassard. Le sujet est assez triste et il faut un peu de temps pour encaisser la mocheté inéluctable.

En ce qui concerne les vautours, je peux te conseiller d'aller faire un tour en Drôme provençale, entre Villeperdrix et Léoux. Tu trouveras une multitude de vautours sur les corniches ainsi qu'en vol. Bien que les oiseaux soient entretenus à l'aide d'un charnier, leur présence renforce la splendeur du paysage.

Bonne journée.

Franz
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