Nancéen né en 68, Pierre Pevel a lancé son petit pavé dans la mare de la fantasy sous la forme d'une trilogie de plus de 1000 pages. La ville de Wielstadt, protégée par son dragon tutélaire, constitue le cadre des trois romans qui peuvent se lire indépendamment bien que l'histoire s'enroule autour du chevalier Kantz et prenne davantage de poids à mesure que les relations s'étoffent et que le récit délivre des pans du passé du héros. En toile de fond, la guerre de Trente ans (1618-1648) agite le Saint Empire romain germanique. D'abord religieuse, entre catholiques et protestants, la guerre devient politique, entre la France et l'Autriche. Il en résulte, entre autres avanies, une circulation intense de mercenaires en campagne et en débandade qui se paient en pillant, violant et massacrant les populations civiles.
La trilogie débute à l'hiver 1620 (Les Ombres de Wielstadt, 2003), se poursuit à l'été 1623 (Les Masques de Wielstadt, 2004) et se clôt à l'automne 1624 (Le Chevalier de Wielstadt, 2006). Le récit de Pierre Pevel s'inscrit dans une Europe du XVIIe siècle et l'histoire se voit à travers le prisme de la fantasy. On ne peut pas vraiment parler d'uchronie mais de deux mondes qui évoluent parallèlement, sans remise en question de l'un par l'autre. Wielstadt se situe géographiquement là où est Düsseldorf avec à ses pieds un golfe noyé par la Mer du Nord. Dans cette ville gothique et labyrinthique, le Voleur de visage sévit et terrifie la population. Selon un rythme calendaire précis, des jeunes femmes sont retrouvées nues, aisselles et pubis tondus, les bras en croix, le visage méticuleusement découpé et prélevé. Le chevalier Kantz va enquêter en solo conjointement au lieutenant criminel du prévôt, Rainer von Regenhalt. Kantz dispose de pouvoirs surnaturels. Il a un pentacle sacré gravé sur la paume de sa main gauche toujours gantée. Il est le seul à pouvoir manier son épée. Pourtant, cela ne l’empêche pas de prendre des coups et de ramasser de vilaines blessures lors de combats menés tambours battants. Pierre Pevel excelle et prend visiblement plaisir à écrire les échauffourées, rapières au poing et dague dans le pourpoint. Son livre de chevet reste Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas qu’il relit tous les deux ans. Le lecteur ne s’ennuie jamais. Les péripéties s’enchaînent autour de l’intrigue policière. A la lutte contre les démons (extérieurs et intérieurs) s’entrecroise la lutte d’influence et de pouvoir entre les sociétés secrètes, la Sainte-Vehme et la Rose-Croix. La vie des habitants de Wielstadt est bien rendue. Les rapports entre Kantz et ses proches sont traités de façon convaincante. L’histoire est riche de personnages secondaires comme le faune Zacharios, la fée Chandelle, le Roi Misère, la Dame en rouge… Le récit s’appuie sur une importante documentation qui n’appesantit jamais l’histoire et sur une trame précise. Le lecteur sent que l’auteur sait où il va, dès les premières lignes. Bien que la trilogie soit sombre et amère, le plaisir de lecture est constant et culmine avec Le Chevalier de Wielstadt.

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