On pense partir pour une balade de santé avec Dan, canard denté pré pubère et Larry, robot hydrocéphale adolescent et on revient vidé mais heureux à force de suivre les affres des deux potes. On croit évoluer dans un monde post-apocalyptique avec des moutons aux jambes molles alors qu’on navigue dans les eaux obscures de la sexualité naissante. L’œil de Dan rivé sur le fessier explosif de Tammy, les rêves érotiques du jeune canard, les pulsions homosexuelles de Larry entraînant Dan dans la masturbation malgré lui, les réactions décalées qui s’ensuivent, tout cela remue forcément chez le lecteur des vases où se sont engluées les turpitudes de l’adolescence. David Cooper est un auteur exceptionnel. Son dessin et son histoire auraient pu se calquer sur le grand Robert Crumb mais le dessinateur fait œuvre originale : inventivité dans le cadrage, le découpage, les postures, les hachures croisées qui semblent se diluer quand le trouble s’érige, que la jouissance explose.
La bande dessinée recèle d’incroyables pépites dans le tout-venant d’une production pléthorique. Ses capacités à toucher juste, à émouvoir avec peu de moyen relèvent du talent et de la magie. En dernière page, le lecteur apprend avec bonheur que l’extraordinaire Ripple, du même auteur, fait partie d’une trilogie. Les éditions du Seuil éditeront bientôt les deux premières histoires, Crumple et Suckle. Bien que les histories de David Cooper demeurent perverses tant les situations sont ambiguës et les désirs troubles, le lecteur ne peut pas rester insensible face à de telles histoires où la maestria est éclatante, où l’organique règne en maître. Soit il rejettera l’ovni dessiné dans le néant de sa poubelle, soit il acceptera de s’embarquer pour un voyage intérieur déstabilisant mais parsemé d’émotions indicibles.
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