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[Être indifférent ? | Laurie Laufer (dir.)]
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Posté: Hier, à 14:53
MessageSujet du message: [Être indifférent ? | Laurie Laufer (dir.)]
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Un tour l'horizon multidisciplinaire de la question de l'indifférence aurait-il été aujourd'hui, un quart de siècle après la parution de cet ouvrage, plus conforme à mes attentes initiales : à la fois plus psychologique (même plus psychanalytique et assurément intégrant une partie sur les neurosciences) et plus philosophico-politique ? L'indifférence, de « passion contre les passions » se serait-elle métamorphosée en un « sentiment contre les sentiments », un symptôme de l’alexithymie, en même temps qu'un comportement citoyen d'inaction lié à une structure de pouvoir qui se serait finalement installée ? Qui confond encore aujourd'hui neutralité (de la recherche, de la pratique psychanalytique) et indifférence ? Qui évoquerait la démocratie sans aborder la question de l'abstentionnisme électoral ? Et l'indifférence en amour, n'a-t-elle pas pris depuis les noms d'asexualité et/ou d'aromantisme qui, dans la foulée de leur nomination, ont également acquis une certaine légitimité dans l'ensemble multiple des orientations sexuelles ?
Par contre, ce qui se trouve dans ce livres conserve tout son intérêt, et assurément pas uniquement historique.



Table détaillée :


Présentation - par Laurie Laufer

1. Être indifférent : une passion contre les passions :

[texte introductif par Ayyam Sureau, philosophe. (cit. 1)]

- Deux indifférents : le géomètre et le dandy – par François Sureau, écrivain et critique littéraire. [Analyse comparée de M. Teste, personnage de Valéry, et de l'écrivain Jacques Vaché, ami d'André Breton]

- L'indifférence comme tentation suprême – par Marie-José Mondzain, philosophe. [La tentation du désert chez les anachorètes paléochrétiens, analyse de l'acédie]

- La passion de l'indifférence – par René Major, psychanalyste. [Analyse de Narcisse et Écho d'après _Les Métamorphoses_ d'Ovide et rattachement de ce mythe à Freud (cit. 2)]

2. Demeurer indifférent : un siècle coupable ?:

[texte introductif par Ayyam Sureau (cit. 3)]

- La « rationalité instrumentale » et l'indifférence moderne – par Alexandre Abensour, philosophe. [« La modernité [définie comme l'époque de la "rationalité instrumentale"] aurait-elle engendré une nouvelle forme d'indifférence ? […] L'indifférence ne serait plus alors une posture morale – signe de sagesse ou marque d'inhumanité –, un trait que l'on peut juger à l'aune d'un discours surplombant le monde ; elle serait la substance même de nos vies ». Analyse de la modernité et de la Shoah d'après Arendt, Adorno et Horkheimer (cit. 4, 5)]

- Pour en finir avec le silence des intellectuels – par Christian Delacampagne, philosophe politique. [De la nécessité et de l'utilité de l'engagement des intellectuels, malgré les critiques contemporaines à l'endroit de Sartre (cit. 6)]

- Nous sommes tous des clones différents – par Pascal Nouvel, docteur en biologie et en philosophie. [Préconisations bioéthiques sur la question du clonage humain]

3. Une vertu retrouvée ?:

[texte introductif par Ayyam Sureau]

- Faces à faces : de l'indifférence de soi à la reconnaissance de soi – par François Rachline, épistémologue. [« Qui décide de s'aventurer dans un face-à-face avec lui-même […] croise immédiatement l'étranger, l'étrange, l'étrangeté. Ne pas aller quérir cette étrangéité-là, ne pas l'accueillir, ne pas lui offrir gîte et dialogue, nous appelons cela 'indifférence à soi'. Parce qu'elle est source de rejet d'autrui, prélude possible à son élimination physique, cet article s'intéresse à la meilleure façon de la combattre. Il baptise 'reconnaissance de soi' cette opération. » Analyse du personnage biblique de Moïse. (cit. 7)]

- L'apparente indifférence du chercheur de vérité – par Angèle Kremer Marietti, philosophe. [« J'évoquerai l'indifférence, pure et simple, du chercheur de vérité, que je voudrais signaler à l'attention du moraliste qui sommeille en tout lecteur de livre de philosophie. Balancé entre l'orgueil de connaître et l'humilité de n'y point réussir toujours, 'l'apparent indifférent' auquel je pense est heureusement animé d'une passion qui ignore tout des dérives de l'indifférence. »]

- La présence en personne et son neutre – par Pierre Fédida, professeur de psychopathologie et psychanalyste. [Les consignes de Freud sur la neutralité dans l'activité de l'analyste]

- Le jeu de l'amour et de l'indifférence – par Laurie Laufer, psychologue et psychanalyste. [La rencontre amoureuse chez Emma Bovary de Flaubert, comme point de départ de considérations générales sur l'amour et le désir. (cit. 8)]



Cit. :


1. Ayyam Sureau : « "Être indifférent ?" pose une question morale à propos d'un choix d'être. On y entend comme une inquiétude... La phrase se complète dans le silence de la pensée à l'insu des deux termes présents. "Faut-il être indifférent ?", "Peut-on être indifférent ?", ou encore : "Comment peut-on être indifférent ?" L'interrogation contient aussi, en sourdine, son contraire : "Être indifférent... ou pas ?" On se trouve ainsi conduit à réfléchir sur les raisons de ce choix, sur sa possibilité et ses enjeux, c'est-à-dire sur ce qui le précède et ce qui le suit. Pourquoi, en vue de quoi se propose-t-on, alors qu'on est – par nature – un être mû par des passions, plongé dans le monde avec ses soucis, ses plaisirs et ses souffrances, relié à d'autres êtres qui sont nos semblables, pourquoi donc choisit-on cette posture de détachement ?
[…]
Derrière l'opposition de l'indifférence aux passions, il y avait celle, classique, de la puissance de l'esprit contre celle du corps. Voici à présent que le corps habite l'âme, et que le désir d'être indifférent procède d'une vie pulsionnelle antérieure à la conscience morale. » (pp. 16, 20)

2. René Major : « D'aucuns éprouvent plus facilement leur désir pour l'autre que leur amour. D'autres, au contraire, ressentent d'abord l'amour qui les porte vers l'autre avant de s'avouer qu'ils en attendent la satisfaction de leurs désirs. Si le but d'une pulsion est naturellement sa satisfaction, c'est-à-dire la suppression de l'exigence qui est à sa source, l'objet qui peut lui permettre de l'atteindre est, en soi, indifférent ou varie selon l'aptitude qui lui est conférée à rendre la satisfaction possible. Il peut être lié à l'amour ou en être délié.
Pour Freud, 'aimer' ne trouve pas une simple opposition en 'haïr' qui serait son contraire. Aimer rencontre une deuxième opposition dans son retournement de l'activité en passivité, 'être aimé', proche de 's'aimer soi-même'. Une troisième opposition lie l'amour et la haine ensemble contre l'état d'indifférence ou de détachement. » (pp. 60-61)

3. Ayyam Sureau : « La proposition classique de la rationalité moderne – "savoir, c'est pouvoir" – semble s'inverser. On entendra plus communément : "Je sais, mais je n'y peux rien." On encore : "Je ne peux rien parce que nul ne peut connaître toutes les facettes de cette question, qui n'est pas simple." À côté de l'indifférence qui vient de l'ignorance, il y a celle, non moins coupable pour Christian Delacampagne, qui vient de l'excès de savoir. Du relativisme qui en découle. Contre cette nouvelle espèce de sceptiques qui préfèrent la suspension du jugement au risque de l'erreur, il affirme que l'engagement des intellectuels n'est ni inutile ni dangereux.
C'est la logique de l'action de na pas laisser connaître a priori les conséquences d'un acte. Je choisis d'agir sans tout savoir, simplement parce qu'il est impossible de tout savoir d'avance : les conséquences d'une action appartiennent à l'avenir. Elles sont par définition inconnaissables. Sachant cela, sachant le risque inhérent à toute décision, à tout jugement, à toute action, il faut agir quand même. Cela s'appelle le courage.
Demeurer indifférent, se refuser à toute compromission, nier le caractère inéluctablement incertain du réel s'apparenterait alors à une forme d'enfantillage. » (pp. 68-69)

4. Alexandre Abensour : « D'où procède le souci de l'autre ? Qu'est-ce qui me permet de voir en lui un être qui a droit à ma sollicitude, mon aide, ma compassion ? Ou plutôt : de quel autre s'agit-il ? Je constate que mon indifférence est teintée de degrés, selon que l'autre est proche ou lointain, semblable ou différent, toutes ces catégories n'étant pas purement données, mais patiemment, ou quelquefois violemment, construites. Si je considère néanmoins mes proches comme ceux vers qui mon attachement va plus naturellement, la question peut se formuler ainsi : comment étendre l'affection que j'éprouve pour mes proches à l'ensemble de l'humanité ? Comment devenir soucieux de celui qui n'appartient pas au cercle naturel de mes passions ? Mais pourquoi, dira-t-on, commencer par cette question apparemment éloignée de toute détermination historique ? Parce qu'elle peut nous aider à comprendre une des propriétés du processus moderne : sa capacité à détruire la faculté de sortir de soi, et à engendrer une indifférence d'autant plus supportable qu'elle est universelle. » (p. 72)

5. Alexandre Abensour : « La structure moderne de l'indifférence procède semble-t-il d'un rapport à l'autre qui transcende les deux grandes figures de la modernité politique : la foule "chaude" où l'indifférenciation procède de la fusion, et la masse "froide" où l'indifférence est inséparable de la distance. En rabattant toute l'analyse sur un processus englobant (l'économie, le destin de la raison, l'oubli du dévoilement), ces critiques de la modernité rendent difficilement pensable le lien entre société et individu. En éliminant la politique, écrasée par la technique, ils perdent de vue le nouveau lien qui s'instaure entre individu et pouvoir, et qui, en effet, n'est nullement incompatible avec une forme de démocratie. C'est ainsi que la vision célèbre de Tocqueville prend tout son sens, qui montre précisément pourquoi la démocratie ne protège pas en soi de l'indifférence, mais au contraire qu'une certaine alliance entre démocratie et bureaucratie en serait la source la plus directe. » (p. 85)

6. Christian Delacampagne : « 'Inutile', l'engagement ? Certainement pas. À l'ère des démocraties de masse (qui constituent, que cela plaise ou non, notre seul horizon possible pour le moment), le comportement des électeurs est directement influencé par celui des médias. Ce sont les médis qui préparent, présentent et promeuvent les principales options entre lesquelles, pour chaque problème, les électeurs (ou leurs représentants) devront choisir. Autrement dit, ce sont les intellectuels travaillant dans les médias (et ceux que les médias font travailler) qui forgent les options en question, avec la volonté (plus ou moins explicite) d'en imposer certaines de préférence à d'autres. Comment, dans de telles conditions, les autres intellectuels, ceux qui n'ont pas la chance d'être "médiatiques", pourraient-ils demeurer silencieux ? Comment pourraient-ils croire leur intervention 'inutile', même si celle-ci n'est pas immédiatement relayée par les médias ? Si l'opinion publique n'est, à tout instant, que le produit d'un rapport de forces, toute force (si modeste soit-elle) qui vient s'ajouter d'un côté ou de l'autre ne contribue-t-elle pas à modifier le rapport en question ? » (pp. 99-100)

7. François Rachline : « L'égoïste banal ou l'égocentrique vulgaire, par exemple, s'envisagent d'une façon propre à les détourner paradoxalement d'eux-mêmes : éblouis sans doute par les reflets que renvoie leur propre surface, ils demeurent étrangers à leur intime étrangeté. Qui au contraire décide de s'aventurer dans un face-à-face avec lui-même […] croise immédiatement l'étranger, l'étrange, l'étrangeté.
[…]
Un tel mouvement ne s'engage pas toujours, ni complètement, chez tous les hommes. Certains n'effectuent même jamais le premier pas. D'autres renoncent après quelques tentatives. Mais il arrive que des acharnés poussent jusqu'à l'extrême ce voyage intérieur aux conséquences extérieures. L'archétype en est sans doute Moïse. Son cas historique et le condensé de son aventure spirituelle serviront de référence à notre réflexion. […] Quant au prophète, il incarne dans cet article l'homme confronté à lui-même. » (pp. 125-126)

8. Laurie Laufer : « La "belle indifférente", elle, ne prendra pas le risque du jeu : se parant d'un visage et d'un corps impassible (peut-être impossible), sa neutralité est la forteresse qui défend la menace intérieure d'une passion dévoreuse. Si la "belle indifférente" ne prend pas le risque de jouer à la mourre, à l'amour, c'est bien afin ne pas s'y consumer totalement, afin ne pas mettre en jeu la perte de l'autre, sa propre perte dans l'autre. La disparition de l'autre, sa propre disparition, nécessaires pour que le jeu existe, la menacent d'une disparition totale. Autant ne pas jouer, autant ne pas miser. Mauvaise perdante, la belle indifférente. Elle ne peut pas, ne sait pas jouer. Cette indifférence-là est le masque de la consumation. Elle ne peut abandonner son corps, craignant de ne pas pouvoir le reprendre, le ramener à la surface d'une profondeur qu'elle désire toute, totale, anéantissante. Son indifférence est le tracé qui limite un espace d'absorption sans fin. L'angoisse menace par son trop-plein. » (p. 172)

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