[Autodafé - Comment les livres ont gâché ma vie | Thomas E. Florin]

Comment résister à un titre pareil ? Et quelle curiosité pour la mise en œuvre choisie par l'auteur !... Ces dernières années, devant les livres qui commencent à déborder de mes étagères, le surmenage professionnel qui engorge mes pàl d'une manière à peine croyable, et devant mes héritiers loin d'être aussi bibliovores que moi, je commence à me poser des questions sur ladite pàl par rapport à ma longévité, et aussi sur la thésaurisation de ces livres...

Et, justement, le récit commence par là : ces magnifiques bibliothèques, véritables autobiographies, curricula vitae, parfois assorties de discothèques flatteuses, ne finissent-elles pas par être matériellement encombrantes ? Si bien que, quand Didier, le personnage-fil conducteur du récit, voit son appartement ravagé par les flammes, lui faisant perdre l'une et l'autre, l'immeuble le soupçonne d'avoir été l'incendiaire... Le narrateur se questionne alors sur son propre rapport avec les livres, les objets, mais aussi la lecture et l'écriture, puisqu'en plus d'écrire à Rock&Folk, il est écrivain... Oui, moi aussi, j'ai pensé à l'univers de Vernon Subutex, au très chouette chapitre 7 sur les écrivains, sur ces intellectuels qui aiment toujours le rock d'une manière qui confine au snobisme, un peu hipsters, et qui ont vieilli. OK pour le thème, mais pas le style, plus châtié chez Florin.

Il évoque la solitude du lecteur et de l'écrivain, la sacralisation de l'objet-livre qu'on pare d'un pouvoir magique dont, à long terme, on doute.

L'auteur ne semble pas chercher à faire rire, mais les situations tirées du quotidien ou exceptionnelles sont rapportées d'une manière tellement ironique qu'on les suit avec le sourire. Je pourrais citer des quantités de passages amusants, comme la caricature condensée des lettres-types envoyées par les éditeurs pour refuser aimablement votre manuscrit.

Je me suis reconnue, entre autres, dans la question du budget-livres, dont j'ai fini par reconnaître l'absurdité il y a dix ans : je suis capable de dépenser des sommes en livres que je ne m'autorisais pas pour ma garde-robes ; les choses ont un peu changé depuis...

Le réquisitoire du narrateur contre les livres contient de vrais arguments dont certains ne sont pas déjouables, et surtout pas avec les habituels sophismes sur l'élévation produite par la lecture, mise sur le même plan que la connaissance, et ça fait un peu peur. C'est mon fond de commerce, après tout.

J'ai limité volontairement le nombre de citations ici (j'en avais noté une quinzaine au moins) pour un récit si bref, car je tiens à encourager les lecteurs intéressés à aller lire eux-mêmes l’œuvre. Je ne veux pas faire comme certaines bandes-annonces qui en disent tellement qu'on ne va plus au cinéma voir le film qu'elles promouvaient ! Ça serait vraiment dommage.

Citations :
• On périt par où on pèche et un homme qui a sacrifié toute vie sociale pour sa vie intérieure, manifeste ici par la lecture et le tabac, doit bien en mourir.
• Les livres ne sauvent pas. Toute cette intelligence, tout ce savoir ne sont pas même pas un rempart ou un frein au temps.
• Je pensais que Didier était devenu un livre vivant. Comme Lao-Tseu, comme Socrate, comme Diogène, comme le Christ. Ces gens n'ont jamais rien écrit. Lisaient-ils même ? Savaient-ils lire ? Peut-être qu'ils détestaient les livres. Oui. A bien y regarder, ils étaient venus les combattre, les réformer, détruire leurs lois, leur portée et leur culte idiot.

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