Ce titre, qui ne me plaisait guère a priori, est une allusion au personnage d'un roman de Coelho dont se prévalait Henri, un des protagonistes de ce terrible témoignage. Je n'avais pas la référence. Une fois qu'on l'a compris, il prend son sens et le pastiche du poème de Kipling pour définir la "guerrière de lumière" ne se lit pas sans émotion.
Henri est le pervers narcissique/manipulateur dont il est question depuis plus de vingt ans au point que certains ne veulent même plus en entendre parler : il semble que tous les ex le soient peu ou prou... Non, ce récit va remettre à sa place le vocable utilisé pour votre ex pas très sympa et hargneux : Henri est un homme qui estime qu'aucune femme ne peut sortir impunément de sa vie, qu'on y fait entrer une femme pour l'avoir en son pouvoir et pour la faire sauter, s'asseoir ou se coucher à la cadence de ses claquements de doigts.
Mais bien sûr, ce n'est pas ainsi qu'il se présente, c'est même tout le contraire : guerrier de lumière, partenaire de vie, chevalier, coach en épanouissement, thérapeute, malheureux en amour mais tout va changer avec vous, à présent... Et on se retrouve avec un être pétri de contractions qui vous met dans des situations impossibles où l'on a tort quoi qu'on ait fait, qui vous raconte des craques en permanence et qui se vante outrageusement d'un statut ou de qualités qu'il n'a pas... puis qui fait des scènes permanentes, vous fait vivre dans un climat de craintes, beaucoup de promesses de recommencement parfait quand vous commencez à comprendre que c'est invivable et qu'il faudrait se mettre à l'abri... Car on est très vite en danger avec quelqu'un qui ne veut pas comprendre la notion de consentement ni qu'un partenaire n'est pas un objet.
Estelle et Anna ont été les compagnes malheureuse d'Henri. Anna a été la première, fait le premier récit puis comprenant qu'il y a une autre femme dans la vie d'Henri - qui tente malgré tout de la reconquérir - finit par essayer d'entrer en contact avec elle. Ensemble, elles vont se battre pour échapper à l'emprise et au harcèlement d'Henri, puis pour demander le secours de la justice.
Je suis sortie assommée de ce témoignage à deux voix, deux voix et demie puisque les interventions de Caroline, l'épouse qui supporta Henri pendant dix-huit ans, apportent leur contribution à la polyphonie. J'ai reconnu beaucoup d'ingrédients connus du "P.N." et notamment ce que j'avais lu dans Le Harcèlement moral - la violence perverse au quotidien de Marie-France Hirigoyen. Un petit sourire personnel : j'avais pris le livre pour y trouver le conjoint d'un membre de ma famille et bam ! j'y vois le portrait d'un ex que je identifiais pas du tout comme un harceleur pervers avant cela (bien que son psy lui ait dit qu'il "aurait pu" finir pervers polymorphe). Passons. L'énergie incroyable qu'un homme peut dépenser pour pourrir la vie, pour déméduler des femmes choisies pourtant parmi des êtres brillants, bourrés de talent et de bonté !... vie qui pourrait être employée à tant d'autres choses !...
Le récit polyphonique, surtout pour des faits réels, est très difficile à réussir mais Estelle et Anna ont parfaitement tressé, juxtaposé la progression du récit, sans que leurs styles respectifs ne se confondent ou détonent. J'ai eu du mal à m'en arracher, c'est palpitant !
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