Dès l'avant-propos d'Asimov, j'ai confirmation que je suis entre de bonnes mains : ses références littéraires remontent à Mary Shelley, avec Frankenstein mais il plaide pour une voie nouvelle à ces créatures. On ne pouvait pas trouver meilleure introduction, sans compter le portrait d'une des responsables du développement de la société, robotique elle-même à souhait !
En 2052, Susan Calvin raconte à un journaliste toute sa carrière au sein de l'U.S. Robots, depuis la fin uchronique du XXème siècle, avec les premiers robots-gardes d'enfants et suit l'histoire des perfectionnements (qui suivent de gros problèmes) de la cybernétique. Sa voix s'efface dans certains chapitres : nous assistons directement aux démêlées apparemment disparates des humains face à des robots, ceux, par exemple, de Powell et de Donovan, deux ingénieurs allant de stations en planètes pour mettre en place des robots. On a très vite doté la fabrication des robots de l'intégration des trois Lois de la Robotique universelle, faites pour que l'Humanité n'ait pas à se préoccuper de sa sécurité par rapport à des robots de plus en plus perfectionnés. Or, elles créent elles-mêmes des dysfonctionnements tant qu'elles sont verrouillées. L'ennui est aussi que l'humain voudrait que les robots soient autonomes au point de pouvoir se passer de surveillance et c'est là que le bât blesse, selon moi, en lisant ces récits.
Ils sont très agréables à lire, remplis de suspense et parfois d'humour, Isaac Asimov concourt avec les romans policiers les plus achevés et Susan Calvin a tout de l’inspectrice. On se sent en tant qu'humain, anxieux face à des machines qui devraient être prévisibles, serviables et maîtrisables, en tant que nos créations et qui ne le sont pas. Pas suffisamment. Ou trop. J'en suis arrivée à me dire, avec l'histoire du robot qui savait lire l'esprit humain que les monstres, c'étaient (toujours) nous, comme si c'était nouveau.
Mon seul regret est tout de même qu’après l’haletant chapitre 8, le recueil s’achève sur une histoire somme toute assez linéaire.
Citations (traductions de Pierre Billon révisée par Pierre-Paul Durastani) :
*La tempête arrivait (...). En d'autres circonstances, le spectacle aurait paru magnifique. Le flux d'électrons à haute vitesse heurtant le faisceau d'énergie dégageait des ultra-particules fluorescentes d'une extraordinaire intensité lumineuse. Le faisceau s'étendait pour se dissoudre dans le néant, illuminé de poussières dansantes.
*Écoute, Mike, il suit les instruction du Maître au moyen de cadrans, d'instruments et de graphiques. On n'a jamais fait autre chose. En fait, cela explique son refus de nous obéir. L'obéissance n'est que la Deuxième Loi. L'interdiction de molester les humains est la Première. Comment peut-il empêcher qu'il advienne du dommage aux humains, qu'il le sache ou non ? En préservant la stabilité du faisceau. Il sait qu'il peut accomplir cette tâche mieux que nous, puisqu'il se prétend supérieur, c'est pourquoi il doit nous interdire l'accès de la salle de commande. C'est inévitable, au regard des Lois de la robotique.
*Dans ce cas, je me réjouis de ce que les constructeurs n'aient pas créé des robots susceptibles de travailler dans une obscurité totale. Ça ne me dirait rien de chercher sept robots déments dans un gouffre noir, sans liaison radiophonique, s'ils n'étaient illuminés comme autant d'arbres de Noël radioactifs.
-Dave déraille lorsque ni l'un ni l'autre d'entre nous n'est présent, et alors notre arrivée suffit à le ramener dans le droit chemin. Qu'est-ce que ça t'inspire ?
-Des idées noires.
* Croyez-vous que je ne distingue rien, à travers la peau superficielle de votre esprit ? Vous refusez, au fond de vous, que je réponde. Je suis une machine à laquelle on a donné un semblant de vie par la vertu des interactions positroniques dans mon cerveau, qui est une œuvre humaine. Vous ne pouvez pas perdre la face devant moi. Un sentiment si profondément ancré ne s'effacera jamais. Je ne vous donnerai pas la solution.
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