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[Les vrais hommes sont féministes | Isabelle Alonso]
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apo



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Posté: Mer 28 Juin 2023 16:14
MessageSujet du message: [Les vrais hommes sont féministes | Isabelle Alonso]
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Je n'avais pas lu auparavant d'essais féministes d'Isabelle Alonso, ni écouté ses chroniques journalistiques, pas plus que je ne la connaissais comme Chienne de Garde ; pourtant, j'avais été durablement admiratif de son _Roman à l'eau de bleu_ qui, dans un genre mi-humoristique mi-utopique, renverse la domination des hommes sur les femmes.
Cet ouvrage-ci, qui s'adresse aux hommes « décontenancés » devant l'injustice du sexisme, aux hommes féministes donc, « qui voudraient en être, de cette révolution pacifique, mais ne savent pas comment s'y prendre. Comment aider. Jusqu'où aller sans se faire rembarrer. Sans dépasser les bornes, sans être accusés de récupération. Comment se montrer solidaires mais pas donneurs de leçons ? » (p. 11) – un profil auquel je m'identifie volontiers – apporte non pas une réflexion théorique de grande densité, mais un paysage de grande envergure sur l'étendue des méfaits du patriarcat (que je préfère qualifier de virilisme) dans notre société actuelle. Il se lit très vite, possède le sens de la formule tout en imitant le registre de l'oralité ; l'actualité y prédomine. Certaines perspectives sont fulgurantes, d'autres points de vue sont plus notoires sinon consensuels, d'autres opinions par contre sont, me semble-t-il, contestables : en particulier sur la prostitution, sur la pornographie, sur la GPA et plus généralement sur les « divergences de lutte » entre le féminisme et le mouvement LGBT+ qui me paraît inopportune... Il est heureux que le féminisme ne soit pas un monolithe idéologique dogmatique et figé. Ce que l'on apprend surtout par cette lecture, c'est à relier de nombreuses idées et certaines critiques de la société néolibérale et violente avec une matrice unique – patriarcat ou virilisme – qui en constituent, d'après l'autrice, l'origine : ainsi le féminisme apparaît de toute évidence comme une question politique, et non comme la posture haineuse anti-masculine à laquelle ses opposants veulent le réduire. Les avantages du « female gaze », qui dénonce les rapports de domination, consistent donc d'abord en une manière de repenser et de déconstruire toute la culture de la violence (plus générale que l'imprécise « culture du viol »), et non seulement celle faite aux femmes, premier pas vers l'imagination d'une alternative de coopération, d'entraide et de persévérance. Ce qui reste très largement à faire ; mais on dirait que certaines spécialistes de chaque discipline, en se revendiquant chacune du féminisme en sus de leur spécialité respective, sont en train de s'en charger.


Table :

- Lettre ouverte aux poissons rouges
- États des lieux
- Féminitude
- Culture de la violence
- Être un mec
- Tout le monde a une prostate
- Backlash
- Mexplication
- Male gaze
- Lavage de cerveau
- Intermède RATP
- Porno
- LGBTTQQIAAP+
- Maternitude
- Putards
- Invisibles
- Agressions
- Détester les hommes
- Female gaze
- Postface


Cit. :

1. « En mars 2019, cent quatorze avocates se croient obligées de faire semblant de ne pas saisir de quoi il retourne et se fendent d'une chronique où elles s'affirment "viscéralement attachées aux principes qui défendent notre droit". Bravo les filles, c'est super. Et après ? Je suis moi-même très attachée au principe du robinet, mais j'appelle le plombier quand ça fuit au cas où ça finirait par inonder toute la baraque. Alors quand les "principes qui défendent notre droit" laissent échapper quatre-vingt-dix-neuf violeurs sur cent, vous feriez mieux de chercher ce qu'il faut changer dans ces principes pour qu'ils ne tournent pas systématiquement à l'avantage des agresseurs. Quelles structures, aux bases mêmes de la loi, génèrent les mécanismes patriarcaux du droit ? On pourrait y réfléchir au lieu d'attaquer encore et encore ces infatigables (mais fatiguées quand même, à force) lanceuses d'alerte que sont les féministes ? » (pp. 83-84)

2. « Entre huit et quatorze ans, les filles perdent trente pour cent de leur confiance en elles. Comment ça se calcule ? Boulot de sociologue. Ils ont leurs outils, leurs enquêtes, tirent leurs conclusions. Constatent que cette confiance en soi qui facilite la vie se fait la malle aux abords de l'adolescence. Opération d'envergure. Clips, vidéos, films, chansons, romans, reportages, feuilletons, pubs, magazines, réseaux sociaux, tout un kaléidoscope met en scène la déconfiture des filles. Pilonne leur ego. Les jauge, les juge. Trop grande, trop petite, trop maigre, trop grosse, trop frisée, trop raide, trop mate, trop pâle, trop foncée, trop typée, trop blafarde, trop musclée, trop molle, trop allumeuse, trop coincée, trop nue, trop habillée, trop ceci, pas assez cela. Un idéal appelé féminité, aussi inaccessible que le pied de l'arc-en-ciel, recule au rythme des efforts pour l'atteindre et des frustrations de ne pas y parvenir. L'appétit de vivre s'y heurte comme un insecte à une vitre. De quoi refroidir les enthousiasmes les plus tenaces. De quoi ébranler les personnalités les plus solides. » (pp. 113-114)

3. « Je résume : il faudrait renoncer à se définir en tant que femme au prétexte que d'autres, que nous accueillons volontiers mais qui n'ont ni le même corps ni le même processus de socialisation, qui ont appartenu par naissance au groupe qui nous opprime et s'approprie notre être depuis toujours, en émettent le désir et passent en mode agressif si on renâcle ? Ces personnes se sentent mortifiées de n'être pas des femmes comme les autres ? Mais elles ne sont pas comme les autres ! La belle affaire ! Elles partagent une autre expérience de vie, qu'aucune femme n'a connue, et leur vécu leur appartient et les définit. Ce n'est insulter personne que de le dire. » (pp. 158-159)

4. « Démonstration en quatre étapes prestidigitatrices :
"Paul bat Julie." Constat. Verbe actif. On sait qui fait quoi.
"Julie est battue par Paul." Même sens apparent, mais passage à la forme passive. Julie remplace Paul comme sujet du verbe. Et donc de l'action.
"Julie est battue." Disparition de Paul. Julie est seule. L'attention se concentre sur elle.
"Julie est une femme battue." Julie est désormais réduite à son état de victime. Elle est battue, c'est son identité.

Quatre phrases se succèdent pour faire disparaître Paul. Et ainsi la question des hommes violents devient celle des femmes battues. L'attention médiatique se focalise sur elles, elles seules, dans d'innombrables articles et reportages répétant les mêmes questions, sans pour autant chercher à y répondre. Comment en est-elle arrivée là ? Pourquoi ne part-elle pas ? Pourquoi ne porte-t-elle pas plainte ? Il s'agit de rester dans l'éternel mystère féminin. Cette Julie est bizarre, quand même. Elle en prend plein la gueule et ne dit rien ? Elle a l'air d'accepter son sort. Mais peut-être aime-t-elle ça, allez savoir les femmes... C'est comme ça depuis que le monde est monde ! Elles doivent y trouver leur compte d'une manière ou d'une autre.
Et Paul ? Pourquoi frappe-t-il ? Pourquoi recommence-t-il ? Pourquoi nie-t-il ? La question n'est pas posée. » (pp. 204-205)

5. « Dynamitez le patriarcat de l'intérieur, jouez les agents infiltrés. Ça ne peut venir que de vous, et le système n'y survivra pas. Le patriarcat est cohérent : la parole masculine, parole de dominant, pèse davantage. Elle sera plus entendue et respectée qu'une voix féminine, une fois démonétisée par le poids de l'idéologie ambiante. Parlez en tant qu'homme. En tant que mec. En tant que féministe sévèrement burné. Qui tient debout tout seul. Qui n'a pas besoin du machisme pour se sentir viril. Pas besoin de mépriser pour se sentir respecté. Pas besoin d'écraser pour se sentir exister.
Chaque fois que devant vous se produiront, que vous entendrez, des blagues misogynes, des anecdotes d'exploits sexuels, des bigarderies et autres propos de ce supposé second degré qui sert de paravent à la bonne vieille gauloiserie, si souvent nauséabonde, ne soyez ni dupes ni complices. Ne marchez pas dans la combine. Inscrivez-vous en faux. Faites-en une affaire personnelle. Défiez les auteurs. Que ceux qui s'attendent à votre assentiment tacite ne le trouvent plus. Qu'ils ne se sentent pas confortés, mais qu'au contraire ils se sentent mal à l'aise. Qu'ils perdent leur statut. Qu'ils passent pour des pauvres types. Ça s'appelle la dissuasion. » (pp. 253-254)

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