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[L'hypnose entre la psychanalyse et la biologie | Léon C...]
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Posté: Sam 11 Jan 2020 18:02
MessageSujet du message: [L'hypnose entre la psychanalyse et la biologie | Léon C...]
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[L'hypnose entre la psychanalyse et la biologie | Léon Chertok]

De cet ouvrage très technique et destiné à un public averti, j'ai obtenu un aperçu assez complet des questionnements théoriques de l'hypnose, dans ses rapports conflictuels avec la psychanalyse – tout au moins tels qu'ils l'étaient à la fin des années 70 lorsque le texte a été rédigé, et dans l'insuffisance des études expérimentales neurologiques et psychologiques, alors presque exclusivement américaines et encore très influencées par le behaviourisme. Chertok, qui dès 1963 avait commis le traité de référence sur l'hypnose en France, encore aujourd'hui réédité, était lui-même psychanalyste, donc pas en rupture avec ce paradigme, contrairement, je crois, à François Roustang qui se « convertira » bientôt à l'hypnose ; son intérêt portait surtout sur l'analgésie hypnotique et les pathologies psychosomatiques, et il tentait d'y allier une solide expérimentation scientifique. Ennemi de tout dogmatisme, il insiste ici sur l'état encore embryonnaire des connaissances sur le fonctionnement ainsi que sur les principes aussi bien psychologiques que physiologiques de la discipline, il met en avant la nécessaire vérification de ses postulats et il prône une recherche théorique et expérimentale appelée à apporter des progrès sur le traitement des maladies mentales, sur l'action du psychisme sur les appareils physiologiques ainsi qu'à donner des lumières sur le mode d'action des psychothérapies, notamment par l'élaboration d'une « théorie des affects ».

L'ouvrage, qui possède un plan assez déstabilisant, se compose de deux parties : la première, intitulée « Expériences », se concentre sur deux aspects : l'analgésie hypnotique et la vésication – provocation d'une réaction cutanée de brûlure à la suite d'une induction hypnotique. Bien que des apports théoriques et des conclusions importantes soient tirés de ces pages, il s'agit surtout d'analyse de deux cas.
La seconde partie est à l'évidence composée d'articles théoriques assez indépendants, d'où découle cependant, à les lire attentivement, une ébauche de problématique générale et un cadre assez clair des enjeux de l'hypnose pour l'auteur, dans ses rapports à la psychanalyse et à la biologie. Les chapitres, de longueur et accessibilité variables, portent les intitulés suivants :
- « Une réactivité psycho-physiologique modifiée »
- « Hypnose et suggestibilité »
- « Applications thérapeutiques »
- « Hypnose et hystérie »
- « Hypnose, relation, transfert »
- « Un peu d'histoire »
- « Le processus psychothérapique »
- « L'affect »
- « Un héritage embarrassant »
- « Dilemme psycho-biologique »
- « L'hypnose de demain ».
L'Épilogue est suivi de deux annexes :
L'Annexe 1 : « Recherche expérimentale sur l'analgésie hypnotique » a permis de comparer la tolérance à la douleur dans l'intensité perçue et dans la durée, entre veille et hypnose et entre sujets analgésiques et non-analgésiques ; elle a permis aussi de redéfinir les échelles de mesure des niveaux d'hypnose.
L'Annexe 2 : « Étude expérimentale du vécu de l'hypnose » a permis de corréler critiquement la susceptibilité à la suggestion et la capacité d'entrer dans un état de conscience modifié : cette dernière s'avère être distribuée « normalement » dans la population ; contrairement à l'idée reçue, les sujets les plus facilement hypnotisables sont les plus sociables, les plus ouverts et ceux qui sont doués d'un plus grand ascendant, et ce indépendamment de l'expertise de l'hypnotiseur ; je suppose qu'aujourd'hui on revient à de plus grandes attentes vis-à-vis de ce dernier, notamment dans l'adéquation entre le profilage du sujet qu'il est capable de réaliser et la technique d'induction conséquente qu'il va lui appliquer.


Cit. :

« L'hypnose semble fournir au sujet, à la faveur d'un processus relationnel, la capacité de modifier les mécanismes d'amortissement émotionnel. L'intégration des informations nociceptives dans le champ de la conscience n'est pas totalement supprimée, mais leur traitement semble se trouver modifié. Elles restent perçues mais ne s'accompagnent plus de souffrance. » (p. 59)

« […] on ne connaît pas les mécanismes par lesquels une stimulation verbale agissant au niveau du cortex peut influencer la perception douloureuse ou produire des modifications vaso-motrices localisées. […]
Sur le plan relationnel, le mécanisme est relativement mieux connu. Indépendamment de la signification inconsciente que le sujet hypnotisé peut attacher à telle ou telle "performance", il est évident que le désir de se conformer à la parole de l'hypnotiseur joue ici un rôle essentiel.
Mais ces considérations ne rendent pas compte de la dimension psychophysiologique de l'hypnose. La question de savoir si celle-ci représente un état spécifique sur le plan physiologique a fait et fait encore l'objet de nombreuses controverses. […] Néanmoins, […] il nous paraît indéniable que l'hypnose constitue un état de conscience particulier, impliquant une certaine modification de la réactivité psychophysiologique de l'organisme. […] Nous avons appelé cet état le "quatrième état organismique" (1969) à la suite de l'état de veille, du sommeil et du rêve. » (pp. 104-105)

« Tout se passe comme si, à un moment donné, se produisait un déclic qui déclenche chez le sujet un comportement automatique, une régression à un stade extrêmement primaire du développement.
[…]
Le sujet se trouverait ainsi renvoyé à des formes plus primitives de communication, à un registre "purement affectif" correspondant aux structures les plus anciennes du système nerveux, le paléocortex. Il s'agirait là d'une potentialité relationnelle innée, originelle, qui constituerait en quelque sorte la matrice, le creuset dans lequel viendront s'inscrire toutes les relations ultérieures.
[…]
On peut donc dire que la relation existe sur deux plans différents, une partie innée et une partie acquise. C'est à ce dernier niveau que le transfert intervient pour renforcer – ou contrarier – l'hypnotisabilitée innée. Autrement dit, le transfert n'explique pas l'hypnotisabilité mais il rendrait plutôt compte de la non-hypnotisabilité. » (p. 134)

« [… nous postulons l'existence] d'une fonction relationnelle innée, automatique, qui se traduit par la mise en mouvement d'un certain "quantum d'affect". […] Nous désignons seulement par là le fait que la mise en action de cette potentialité relationnelle déclenche un certain nombre de processus de nature biologique, dont nous ne savons rien, si ce n'est qu'ils sont fondamentaux pour l'équilibre de l'organisme. » (p. 171)

Sur la prise en compte de la question de l'affect :
« On trouve une seule fois dans ses écrits [de Mesmer] une allusion au rôle du sentiment : "Le magnétisme animal doit en premier lieu se transmettre par le sentiment. Le sentiment peut seul en rendre la théorie intelligible. […]" (Mesmer, 1781, p. 25).
Les successeurs de Mesmer, tout en restant fluidistes, commencèrent à utiliser les termes psychologiques de volonté, passion, désir de guérir, etc. Les hypnotiseurs de la deuxième moitié du XIXe sentaient bien qu'il existait un lien affectif entre eux-mêmes et les somnambules, une "affinité élective", mais ils l'expliquaient par l'état cérébral du sujet.
Freud, en introduisant le transfert, a accompli un pas énorme en situant clairement la question de l'affect dans son cadre relationnel. Mais, comme il arrive souvent dans l'activité scientifique, le dévoilement d'une partie du champ inconnu n'a fait qu'élargir celui-ci. Pour expliquer le mouvement affectif, Freud a eu recours à des métaphores énergétiques, libido, investissement, etc. Il n'a pu formuler une théorie véritablement scientifique de l'affect.
Lacan, quant à lui, évacue d'une certaine manière le problème de l'affect. Sa théorie repose sur une exclusion de la dimension biologique, corporelle de l'inconscient et de la relation. C'est pourquoi, tout en étant extrêmement féconde, elle ne peut prétendre être complète. Tant qu'il n'y aura pas de théorie de l'affect – à la fois psychologique et physiologique –, la psychothérapie et la psychanalyse ne pourront prétendre à un statut scientifique. Certains penseront, il est vrai, que cela n'est peut-être pas souhaitable... » (pp. 188-189)

« Il est certain que si nous continuons à utiliser l'hypnose comme un instrument destiné à déraciner les conflits et les expériences traumatiques, ceci afin de chasser les symptômes, nous devons nous attendre à avoir les mêmes déboires que Freud. Les effets produits seront aussi capricieux, temporaires et décevants qu'en son temps. […]
Nous pensons […] qu'il est possible d'étudier la relation hypnotique en conservant une attitude analytique. Il s'agit simplement d'un élargissement du champ psychanalytique à une dimension qui y est en fait présente, mais sous forme occultée.
La psychanalyse repose sur la technique de l'association libre. Mais, dans la pratique, l'association est rarement libre. L'hypnose, dans la mesure où elle crée les conditions d'une régression corporelle profonde, favorise l'émergence d'un mode de fonctionnement mental plus proche des processus primaires. Son intégration au traitement psychanalytique permettrait de toucher des registres qui échappent habituellement à la verbalisation. Les psychanalystes d'ailleurs le savent bien. Quand les sujets associent véritablement, ils sont dans un état proche d'une légère transe hypnotique ; les processus secondaires sont partiellement suspendus.
Il est évident que le thérapeute ne peut pas, dans un tel rapport, maintenir la même distance que dans une analyse classique. La relation est vécue sous une forme beaucoup plus fusionnelle, qui renvoie à cette dimension relationnelle primaire dont nous avons vu qu'elle était présente dans tout rapport intersubjectif. » (p. 217)

Excipit du corps du texte, avant les deux annexes :
« Il y a presque deux siècles, en 1784, le marquis de Puységur, élève de Mesmer, s'entretenait avec un berger nommé Victor qu'il venait d'hypnotiser. Constatant à sa grande surprise que celui-ci, au réveil, ne se souvenait d'aucun des événements survenus au cours de cette séance, il concluait que nous avons deux mémoires indépendantes. L'inconscient entrait ainsi dans le champ de la recherche expérimentale. Un siècle plus tard, Sigmund Freud découvrait peu à peu à travers les paroles de ses malades hypnotisés la dynamique du désir et du refoulement. À deux reprises, l'hypnose a été le catalyseur qui a permis des découvertes fondamentales. On peut supposer qu'elle nous réserve encore des surprises. » (pp. 226-227)

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