La fortune de Colbert. – Villain Jean. – Paris : Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 1994. – 404 p. – Coll. Histoire économique et financière de la France, série études générales. – ISBN 2-11-087651-4

L'auteur n'est pas un historien de profession ; il a partagé sa carrière entre la comptabilité publique au ministère des Finances et la Cour des Comptes. Son livre n'en est pas moins un livre d'érudition, qui repose sur l'examen d'une masse considérable de documents d'archives dont la compréhension n'est pas à la portée du premier venu.
Bien sûr, il est dans une certaine mesure fastidieux de suivre l'évolution des ressources de Colbert de sa jeunesse à sa mort ainsi que l'emploi qu'il en faisait. Mais quel intérêt de découvrir concrètement combien il est vrai que les êtres humains de ce temps entretenaient entre eux et avec le monde matériel des relations profondément différentes de celles qui sont les nôtres et dont il est impératif de se décentrer sauf à tomber dans l'anachronisme.
Ainsi, lors de l'exil de Mazarin, Colbert va devenir son mandataire, gérant toutes ses affaires en France, sans que des émoluments soient prévus pour cette tâche : « Malgré ce travail énorme, ce gérant modèle n'était pas plus à charge à Mazarin qu'il ne l'avait été à Le Tellier. Certes celui-ci, en le présentant à Son éminence, lui avait nonchalamment déclaré que son protégé n'avait aucun désir que " l'honneur de le servir ". Colbert lui-même répétait à satiété qu'il entendait travailler " par pure affection et inclination " ». Mais après quelque temps s'établit entre eux « une sorte de contrat tacite selon lequel Mazarin ne garantissait à son secrétaire aucune rémunération ni fixe ni mobile mais agirait de manière à lui faire obtenir du Roi, si celui-ci y consentait, des avantages qui ne lui imposeraient aucun sacrifice personnel ». Il aurait été fort peu honorable, pour un Grand, de ne pas faire la fortune de qui le servait si bien.
Sur le point de mourir, Mazarin « avait proposé de chasser du Conseil l'un des intendants de finances, Le Tillier, et de donner sa commission à Colbert moyennant 200 000 livres. Mais on s'aperçut qu'en équité il n'était pas possible de dédommager Le Tillier à moins de 600 000 livres. L'argent étant rare, on préféra en fin de compte créer une troisième commission d'intendant des finances qui fut donnée gratuitement à Colbert en surnombre. Cette suggestion attribuée par certains contemporains à Fouquet dans l'espoir de se concilier un adversaire compromettant fut approuvée le 8 mars par le Roi. Le cardinal n'avait pas encore expiré que le sort de son mandataire était réglé ».

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