Le dernier hors-série de Charlie-Hebdo réalisé par Riss, dessinateur et directeur de l’hebdomadaire, est un bouleversant témoignage historique du procès d’Abdelkader Merah, frère de Mohamed qui fut le bras armé d’une idéologie despotique et létale prônée par Abdelkader. Comme le rappelle Riss dans son éditorial : « Abdelkader applique à la lettre les consignes d’al-Quaida : discrétion, dissimulation et banalisation de tout ce qui pourrait éveiller les soupçons. La justice doit alors faire preuve non pas d’imagination mais de perspicacité pour déjouer ses manœuvres ». Après cinq semaines de plaidoiries, l’audience est levée le jeudi 2 novembre 2017 avec l’acquittement d’Abdelkader Merah pour « complicité d’assassinat » et sa condamnation à 20 ans d’emprisonnement pour « complicité d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » mais il estime qu’il n’a rien à voir avec les crimes commis par son frère. Le pourvoyeur d’armes, Fettah Malki, écope de 14 ans mais implore qu’on ne le traite pas comme un tueur d’enfants.
Remarquable dessinateur capable d’insuffler une rare intensité à son trait, Riss capte les ambiances et croque les attitudes, donnant à voir et à sentir l’indicible lors d’un procès particulièrement détonant. Bien qu’il s’astreigne à une relative neutralité, Riss ne peut s’empêcher de caricaturer de temps à autre l’avocat de la défense Dupond-Moretti mais il faut bien avouer que le quidam s’y prête, « Acquitator » faisant souvent le show. Entre la tragédie des vies brisées par les meurtres et l’autojustification des responsables se creuse une abyssale défiance envers une nature humaine sombrement perverse.
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