Révolutionnaire en herbe.
Pour Alexis de Tocqueville, le Nouveau Monde est un désert où les Indiens « nus et sauvages » ont « des corps forgés par la forêt, la chasse et la guerre ». Son débarquement à New York durant l’été 1831 le dégrise de ses illusions. La civilisation occidentale est installée et l’Indien est devenu une ombre errante abrutie d’alcool et de misère aux marges de la cité prospère. Avec son ami Gustave de Beaumont, aristocrate comme lui, ils vont s’évertuer à retrouver la frontière c’est-à-dire la limite de l’expansion des colons afin de rencontrer l’Indien rêvé. Leur démarche reste incompréhensible aux Blancs rencontrés en chemin. Ils atteignent enfin le village de Saginaw, sur la presqu’île du Michigan, « un poste avancé, une sorte de guérite que les Blancs sont venus placer au milieu des nations indiennes ».
1er album d’un jeune auteur, « Tocqueville » est une réussite narrative et visuelle. Avec finesse, sans jamais s’appesantir et pointer du doigt, Kévin Bazot réalise une œuvre personnelle et actuelle à partir des carnets de voyage du philosophe politique Alexis de Tocqueville alors âgé de 25 ans lors de son exploration du Nouveau Monde. Les couleurs sont superbes. Des doubles pages permettent le déploiement de somptueux paysages. L’avancée opiniâtre vers un monde qui se dérobe sans cesse et la marque carnassière de la civilisation en marche, tout est donné à voir et à sentir dans un même mouvement, ample et inexorable. Les 97 pages de voyage sont un enchantement et disent beaucoup sur nos vies contemporaines.
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