Il n'est pas évident de lire une pièce de Shakespeare aussi célèbre soit-elle. Le contexte historique que l'on connait assez mal, les allusions littéraires qu'on risque de ne pas comprendre, les jeux de mots, les allusions grivoises ou les allitérations qui foisonnent dans l’œuvre du Maître et que les meilleurs traducteurs ont parfois du mal à restituer, tout cela et sans doute d'autres choses encore font de cette lecture un exercice risqué. Mais nous sommes actuellement dans une année "Shakespeare" (cela fait quatre siècles exactement qu'il est mort) et c'est l'occasion de relever ce défi. J'ai commencé par "Roméo et Juliette" sans doute la pièce la plus célèbre avec Hamlet, et j'espère pouvoir en lire ou relire trois ou quatre autres avant la fin de l'année.
L'intrigue est plutôt mince, si mince que l'auteur ne s’embarrasse pas d'artifices pour nous la rendre plus crédible : les choses sont rondement menées, les coups de foudre et les coups d'épée tombent comme à Gravelotte, enfin, plutôt comme à Azincourt et si tout s'était bien passé, Roméo et Juliette se mettaient en quête d'une crèche pour leur futur bébé avant la fin de l'acte V. Mais, comme l'on sait, les Dieux jugèrent bon de faire capoter (sans jeu de mots) les plans de ces deux tourtereaux et tout le monde finira au fond d'une tombe : l'amoureux, l'amoureuse et même son prétendant qui passait par là.
Ce qui m'a paru surtout jouissif dans cette pièce, c'est le parti pris joyeux et sans détour dont Shakespeare fait preuve envers ces amoureux-là, qu'il aide autant qu'il le peut par le truchement du frère Laurent, un moine plus philosophe et alchimiste que moine. Les parents de Juliette, ces vieux chnoques, ne comprennent vraiment rien à l'amour et, si l'on ne craignait pas d'être pris en flagrant délit d'anachronisme, on pourrait dire que tout cela nous prépare un Mai 68 pas piqué des vers !
Le mélange des différents registres de style qui vont du grivois à la poésie pétrarquiste en passant par les sonnets de Shakespeare, a été très bien rendu par la traduction faite pour Le livre de Poche par François Laroque (qui signe aussi la préface) et Jean-Pierre Villquin. Les notes de bas de page sont discrètes et néanmoins indispensables pour comprendre ce que la traduction n'a pas pu restituer.
Ma conclusion : si votre cœur aime s'enflammer comme celui des amants de Vérone, n'hésitez pas à vous laisser embarquer dans ce tragique voyage vers l'amour !
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