J'imaginais "Le procès" fastidieux, alourdi d'une intrigue tournant volontairement en rond pour servir son propos : démontrer l'absurdité d'un système...
J'avais tort...
Joseph K. et fondé de pouvoir dans une banque. Le matin de ses trente ans, sans que rien ne l'annonce, des individus viennent à son domicile lui signifier son arrestation. Simples exécutants, ils ne sont pas en mesure de lui préciser le motif de son inculpation. Et les modalités en sont d'ailleurs plutôt étranges : Joseph K. n'est pas placé en détention. Libre, il peut continuer d'exercer son métier, et de mener une vie normale, du moins en apparence...
Aussi, cette "arrestation" passe dans un premier temps pour un mauvais rêve vaguement dérangeant, dont l'étrangeté et l'illogisme suscitent une sourde inquiétude.
Cette impression d'être invité dans un univers absurde est accentuée par la survenance d'épisodes loufoques, de détails bizarres... Joseph K. assiste ainsi à une scène de flagellation punitive dans un débarras exigu, ou se retrouve à déambuler dans les couloirs labyrinthiques du grenier où sont stockés les archives de la justice, le long desquels patientent de longues heures durant des quidam en attente d'on ne sait précisément quoi... De même, la récurrence, au cours de ses tribulations judiciaires, d'opportunités sexuelles faciles, amplifie la dimension déconcertante de l'intrigue.
Le procès lui-même est une suite de démarches vaines et insensées. Les interrogatoires se déroulent dans une ambiance à la fois théâtrale et anxiogène. Quant à son avocat, le seul intérêt que présente sa fréquentation réside en la charmante et peu farouche jeune femme qui lui sert d'infirmière... Joseph K. ne parvient même pas à savoir de quoi on l'accuse, et sans doute est-ce là le pire aspect de cette farce macabre et effrayante : le fait que cette arrestation semble complètement arbitraire.
Peu à peu, nous assistons à la mise en branle d'une mécanique insidieuse, minante, dans laquelle le héros, englué dans ses efforts pathétiques car inutiles pour sortir de cette situation absurde, est broyé. Les ramifications de l'appareil judiciaire semblent le cerner de toutes parts : presque chaque personnage rencontré a des liens avec l'administration judiciaire, certains ont eux-mêmes des procès en cours, et tout le monde semble admettre que ce n'est finalement pas la présence d'un motif d'accusation qui compte, ni le fait d'être coupable...
Le procès devient à la fois omniprésent et insaisissable, entité qui vampirise l'existence de K. plus qu'il ne la bouleverse brusquement, qui finit par coloniser ses pensées, mobiliser toute sa réflexion, par empiéter sur chaque minute de sa vie.
Quelle était, lorsqu'il a écrit cette fable absurde et angoissante, la cible de Franz Kafka ? Visait-il, d'ailleurs, une cible en particulier, ou ce roman était-il une manière d'exprimer certaines de ses angoisses existentielles... ?
Je crois qu'il n'existe pas de réponse définitive à cette question. Et après tout peu importe : "Le procès", loin d'être fastidieux, est un roman qui se prête à de multiples interprétations. A chacun de trouver la sienne...
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