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[Chien de faïence | Andrea Camilleri]
Auteur    Message
Swann




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Posté: Jeu 30 Avr 2015 14:58
MessageSujet du message: [Chien de faïence | Andrea Camilleri]
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Une découverte d'auteur que j'aurais préféré faire en italien, mais on se contentera d'une traduction somme toute agréable, et, heureusement pour moi, ça n'est pas un roman policier dans le sens conventionnel du terme.
Cf. note de lecture sur mon blog.

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Les tendances de la traductologie actuelle, en une phrase...
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apo



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Posté: Mar 02 Juin 2015 16:21
MessageSujet du message: Les tendances de la traductologie actuelle, en une phrase...
MessageDescription du sujet: Schifano non fa schifo !
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"Par contre, je n'aime toujours pas cette tendance italançaise (plus sensible chez Schifano que chez Quadruppani) de calquer la syntaxe italienne dans une phrase française, ce qui donne des phrases qui, certes, pour un italianiste, évoque aussitôt la phrase originale, mais qui est lourd et le plus souvent inusité en français."

Encore une fois, tu pointes du doigt une question énorme.
Tu n'ignores certainement pas que l'école classique de la traductologie française, très, trop longtemps, a prêché l'axiome que la traduction parfaite était la traduction invisible, celle dont on pouvait dire que l'auteur n'aurait pas écrit différemment en français si telle avait été sa langue d'expression.
Or j'ai des raisons de croire que vous, les philologues et traducteurs des langues anciennes ne soyez pas passés (ou bien si ?) par cette véritable révolution traductologique que nous vivons dans les langues modernes depuis une vingtaine d'années, notamment grâce à des théoriciens-praticiens comme Antoine Berman (qui s'appuie surtout sur Walter Benjamin).
Berman, dans sa "traduction et la lettre", qui ne veut pas dire "littérale" bien sûr, parle de "torsion de la langue cible jusqu'au seuil de rupture", afin de "laisser la parole à l'autre, à l'étranger", dont il ne faudrait absolument en aucun cas occulter sa nature d'étranger sous peine d'impérialisme linguistique. Il en fait une question philosophique et politique qui, naturellement, va dans le sens qui me plaît. Cela passe par un nouveau concept de littéralité (notamment dans le refus de l'explication sémantique, donc sur le plan lexical), et aussi, beaucoup, dans le respect le plus stricte possible de la syntaxe de la langue source, jusqu'à la limite même de la ponctuation (mais je répète, à condition de rester en-deçà du seuil de rupture du sens). Pour ma part, surtout en poésie qu'il m'arrive de traduire aussi, je dirais qu'il faudrait aussi s'astreindre à garder le même niveau d'intelligibilité que dans le texte source, ni plus ni moins.
A cela Rosie Pinhas, qui a eu une grande part dans ma propre formation dans ce domaine, ajoute aussi un aspect "visuel". Tout écrivain, depuis 1900 environ, ne peut faire abstraction dans sa prose de l'esthétique du cinéma. Par conséquent, de même que la description cinématographique est faite, techniquement, d'une succession de plans, d'un ordre très délibéré dans la "vision" des cadres - c'est là que Hitchcock fut un génie - de même l'écrivain à partir du XXe siècle tient inconsciemment compte de cet ordre et de cette succession "visuelle" dans sa phraséologie, et il est très aisé de démontrer que cela se répercute immédiatement dans sa syntaxe, surtout dans les polars. A son tour voilà le traducteur, déjà sommé de s'assujettir à un gros lot de métaphores musicales, contraint dans le septième art ! Et je parle là également, voire surtout, de langues dont la syntaxe est extrêmement éloignée de celle du français, bien plus que l'italien. Eh bien, même dans ces cas extrêmes - pense au latin et tu verras de quoi je parle ! - le "bon" traducteur serait idéalement tenu de respecter le plus fidèlement possible l'ordre d'apparition des mots-images dans le texte.
Le prix à payer, bien sûr, est le confort du lecteur dans sa propre langue et, bien entendu, des critères stylistiques incommensurables entre littérature traduite et non-traduite. Incommensurables.
Bon, si tu veux un exemple de cette révolution, tu n'as qu'à te reporter à une œuvre très célèbre, Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin, traduit pour la première fois en 1933 (le roman date de 1920), puis réédité en 1970 et enfin retraduit intégralement par Olivier Le Lay en 2009, toujours chez Gallimard.
Est-ce que j'ai aimé l'édition de 2009 ? Non, je l'ai détestée. Elle m'est tombée des mains. Est-ce que les traductions anciennes étaient "bonnes" ? Non, très mauvaises parce que trop classiques trop "bien écrites". J'ai acheté le bouquin dans une autre langue (car je ne lis plus l'allemand, et c'est dommage). En fin de compte, en français, justice n'est toujours pas rendue au grand chef-d’œuvre et le lecteur moyen n'y trouve pas son compte non plus. Peut-être devrons-nous arriver à une sorte de synthèse. Peut-être en sommes-nous à un tâtonnement traductologique encore trop marqué par la théorie, par l'idéologie peut-être, par l'illusion de pouvoir pallier à nos insuffisances dans la praxis par un excès de philologie, va savoir... Sans doute nous sommes-nous demandés trop tard où nous allions...
Ce que je crois savoir, c'est que ce questionnement, qui pourtant pourrait ne pas être superflu a fortiori pour la traduction des auteurs de l'antiquité, ne semble pas s'y être installé, si j'en crois les lourdes interventions que ma dernière éditrice, bien jeune agrégée de Lettres classiques, a effectuées sur mon dernier roman traduit. Interventions à la limite intrusives que j'aurais certainement refusées avec un fort sentiment d'amour propre blessé il y a quelques mois encore, les considérant comme des actions de polissage du français, d'arrondissement de ses angles inacceptables, s'acharnant tout particulièrement sur mes phrases tordues, sur mon excès de virgules conséquent, s'avisant même d'en couper quelques unes et d'en fondre d'autres (mais là, je ne l'ai ni ne me suis laissé faire !) et que j'ai pourtant acceptées, de bonne grâce pour finir, en pensant peut-être prendre un peu de distance vis-à-vis d'une théorie qui me tient pourtant à cœur.
Je ne suis pas traducteur de l'italien. Schifano, traducteur d'Umberto Eco, je ne le connais que par ce qu'en a écrit ce dernier, dans des termes fort appréciatifs au demeurant, ce qui pour moi est un gage de taille, dans son ouvrage consacré à la traduction, Dire presque la même chose, un essai d'expériences de traduction et non de théorie, qui reste pour moi d'une valeur inégalée et d'un usage irremplaçable. Rien que pour cette raison, je lui tire mon chapeau. Et toi, si tu ne le fais pas, il faut que tu saches quand même que son choix n'est pas une lubie...
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Re: Les tendances de la traductologie actuelle, en une phras
Auteur    Message
Swann




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Posté: Mar 02 Juin 2015 18:11
MessageSujet du message: Re: Les tendances de la traductologie actuelle, en une phras
MessageDescription du sujet: Schifano non fa schifo !
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« apo » a écrit:
Tu n'ignores certainement pas que l'école classique de la traductologie française, très, trop longtemps, a prêché l'axiome que la traduction parfaite était la traduction invisible, celle dont on pouvait dire que l'auteur n'aurait pas écrit différemment en français si telle avait été sa langue d'expression.
Or j'ai des raisons de croire que vous, les philologues et traducteurs des langues anciennes ne soyez pas passés (ou bien si ?) par cette véritable révolution traductologique que nous vivons dans les langues modernes depuis une vingtaine d'années, notamment grâce à des théoriciens-praticiens comme Antoine Berman (qui s'appuie surtout sur Walter Benjamin).

Je te le confirme. Embarassed
L'une d'elle, notre préférée, est celle que nous appelons "l'universitaire", censée rassembler la pensée sans trahison de l'auteur allophone et la langue française la plus pur(ist)e.
Je rougis d'ignorer cette fameuse révolution et ce nom, prenant par exemple le cas de Schifano pour un maniérisme relativement isolé... et j'en suis d'autant plus mortifiée que je caressais encore l'idée, l'an dernier, de me lancer dans un Master 2 de Traduction... j'aurais eu l'air fin avec mes principes d'un autre temps !

« apo » a écrit:
Pour ma part, surtout en poésie qu'il m'arrive de traduire aussi, je dirais qu'il faudrait aussi s'astreindre à garder le même niveau d'intelligibilité que dans le texte source, ni plus ni moins.

Pour la poésie, cela va sans dire. La part de création poétique peut trouver sa licence sans offusquer, puisque le poète réinvente déjà sa propre langue, son traducteur peut sans inconvénient écheveler quelque peu la sienne !

« apo » a écrit:
Est-ce que les traductions anciennes étaient "bonnes" ? Non, très mauvaises parce que trop classiques trop "bien écrites".

Si tu penses aux Budés, évidemment que la plupart sont surannées ! L'écueil qu'on voudrait s'interdire en collant de trop près à la syntaxe de la langue étrangère, nous renvoie à son écueil voisin de la langue si classique qu'elle ne ressemble plus à celle qui est la nôtre actuellement, à son rythme, à son registre réel. Et le lecteur doit faire un nouvel effort, entre le "Jésus" décalé par rapport aux jurons français de tel polar américain et le "foin de ces calembredaines" de tel Budé qui fait s'esclaffer mes Lycéens ("C'est du français, ça ?").

« apo » a écrit:
Et toi, si tu ne le fais pas, il faut que tu saches quand même que son choix n'est pas une lubie...

Comme je le disais plus haut, je ne le prenais pas pour une lubie, mais pour un maniérisme qui me hérissait d'autant plus inexplicablement que j'adore l'approche stylistique induite par la syntaxe italienne, mais qu'elle donne une impression de relâchement parfois injustifié quand elle est calquée en français... et que j'y voyais une trahison de l'intention de l'auteur. Je me suis peut-être un peu prise pour Fellini, horrifié d'écouter le doublage français ordurier d'un de ses films.
Mais si Eco valide l'approche, s'il y a une école actuelle de traduction qui a pensé cette pratique, alors je serais inexcusable de ne pas approfondir la question, ne serait-ce que parce que traduire me passionne.
Merci d'avoir pris la peine de référencer et de développer ton commentaire.
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Re: Les tendances de la traductologie actuelle, en une phras
Auteur    Message
apo



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Posté: Mer 03 Juin 2015 11:06
MessageSujet du message: Re: Les tendances de la traductologie actuelle, en une phras
MessageDescription du sujet: Schifano non fa schifo !
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« Swann » a écrit:

L'une d'elle, notre préférée, est celle que nous appelons "l'universitaire", censée rassembler la pensée sans trahison de l'auteur allophone et la langue française la plus pur(ist)e.


Je vois très bien un traducteur littéraire-formateur te répondre (comme on me répondit) :
"[Madame], on n'écrit pas avec des pensées, on écrit avec des mots".

Autre objection: Il se trouve que l'auteur allophone peut choisir d'utiliser une langue pur(ist)e ou non, et d'ailleurs le plus souvent il ne le fait pas. Il paraît que Borges - pas le dernier des ignares - utilisait une proportion impressionnante de vocables qui ne figur(ai)ent pas dans le Diccionario de la Real Academia...

C'est pourquoi on nous dit toujours que "l'universitaire" est l'ennemie jurée de la traduction littéraire, et on nous recommande de la laisser dans un coin bien caché.
Cela dit, je pense qu'il peut être utile de s'en servir lorsqu'on traduit des textes non-fictionnels. Mais, hormis le cas de l'anglais américain, combien traduit-on d'essais en comparaison avec la fiction ? C'est dérisoire, hélas. Encore de l'impérialisme...



« swann » a écrit:
le poète réinvente déjà sa propre langue


Et pourquoi serait-ce l'apanage du poète ? Il me semble que tout bon prosateur le fait aussi, voire tout écrivain, même essayiste, même scientifique.

« swann » a écrit:
Si tu penses aux Budés, évidemment que la plupart sont surannées !


Oui, voilà encore une grosse question : est-ce qu'on rend l'antiquité de l'auteur par un langage suranné ? Est-ce qu'on rend le sicilien par du marseillais ?
Dans un sens, je crois que la fidélité passe par l'intention. L'auteur antique n'avait sans doute pas l'intention de paraître désuet, sauf preuve du contraire (Caton ?). Camilleri, en utilisant le sicilien, n'a assurément pas l'intention d'ajouter la drôlerie que le marseillais possède pour les locuteurs du français standard.
Et pourtant il faut trouver un moyen de ne jamais faire oublier au lecteur que les mots de l'un proviennent d'une époque ancienne et que ceux de l'autre appartiennent à un parler excentré et pas toujours compréhensible pour le lecteur de son pays.

« swann » a écrit:
"Jésus" décalé par rapport aux jurons français de tel polar américain et le "foin de ces calembredaines" de tel Budé qui fait s'esclaffer mes Lycéens ("C'est du français, ça ?").


Voilà deux exemples typiques d'erreur par interprétation. Dans le premier, l'on prête au lecteur français une lecture en filigrane pour laquelle la traduction de "Jesus" (sans accent) n'est plus nécessaire. Dans le second, l'on se dit sans doute que la bonne traduction du grec est celle qui pastiche le Sieur Guillaume Budé (n'est-ce pas?).

« swann » a écrit:
Je me suis peut-être un peu prise pour Fellini, horrifié d'écouter le doublage français ordurier d'un de ses films.


Tiens, je ne connaissais pas cet épisode. Pauvre Federico, un monsieur si distingué... !
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