Voilà Emmanuel Carrère bien embêté : il a dû se remettre, par un étrange sentiment de devoir de constance, à l'écriture d'un texte sur Jean-Claude Roman qu'il avait évacué sous forme fictionnelle quelques années auparavant et a du mal à trouver un angle, un biais... Et plus il examine les documents, fait parler les témoins, les visiteurs de ce meurtrier en série et mythomane ébouriffant qui défraya la chronique pour avoir supprimé ses proches qui risquaient de percer à jour ses mensonges, plus il est embarrassé.
En réalité, le sujet est tellement glissant, il est tellement difficile d'avoir accès au psychisme en kaléidoscope-miroir de l'homme, intelligent et complaisant, qu'en cherchant la vérité, on peut aussi bien en faire une victime qu'un monstre froid coulé dans une folie-alibi. L'auteur n'élude aucune piste.
De cet embarras littéraire et éthique, Emmanuel Carrère fait un livre prenant et qui nous questionne longtemps après la lecture.
Une pensée qui me vient après coup, c'est qu'un homme aussi manipulateur, doué d'une telle force de conviction et capable de donner le change pendant tant d'années, récolter des sommes aussi colossales sur du vent, aurait pu faire une carrière remarquable dans d'autres domaines que sa prétendue médecine. Les errements dus à une mauvaise orientation professionnelle sont décidément bien plus tragiques qu'on croit !
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