Sabrina, jeune « nez absolu » de vingt-trois ans, rencontre l'acteur Tony Curtis – dont elle n'a d'ailleurs jamais entendu parler – dans l'avion qui la conduit aux USA pour le compte d'un grand parfumeur de Grasse. Très vite, elle pique la curiosité de Tony et leur échange devient prétexte au récit de l'histoire du parfum que Sabrina se doit d'apprendre dans le cadre de ses études. Mais c'est aussi la biographie de Tony Curtis qui nous est dévoilée, un gamin du Bronx que rien ne destinait à la sphère Hollywoodienne. Avec lui nous traversons les différentes époques d'Hollywood, de l'âge d'or au déclin amorcé par la démocratisation de la télévision, le tout placé sous l'égide de parfums au succès mondial et intemporel.
Le Roman du parfum est un récit multiple et original : tantôt roman initiatique, tantôt biographie, tantôt documentaire. Il m'a permis de découvrir un univers dont j'ignorais tout, de la création, véritable composition artistique aux dimensions symphoniques, au marketing actuel et au gommage éhonté du nom des nez. La narration à la première personne nous happe et nous plonge dans l'univers extraordinaire de Sabrina ; elle s'avère dès le début un personnage en décalage avec les autres, comme je les aime. Cette immersion à travers ses sens nous permet de partager sa passion, de percevoir comme elle les parfums infinis qui peuplent le quotidien. J'ai apprécié l'écriture délicate et sensuelle qui exhale diverses senteurs : « Mon parfum est un enfant sauvage né de la pleine lune, un asocial qui se refuse, un autiste éperdu de chimères. Il sait tout de moi ; de lui, je ne sais rien. Ma composition est anxieuse, dissidente, intranquille, méprisante et décline ma joie de l'étreindre. Et à la moindre fausse note, ma partition se fait volatile » (p. 24). le point fort de ce roman est de nous proposer par le biais de la fiction (à moins que ce ne soit la vérité...) une approche de l'histoire à travers le kaléidoscope du parfum ; les grandes époques historiques sont savamment distillées au fil des chapitres, qui sont par ailleurs brefs et bien rythmés. Entre leçons d'histoire, anecdotes et formules de création quasi-incantatoires, Sabrina s'improvise en stimulant professeur. Aussi est-il intéressant de constater que la plupart des civilisations attachaient la plus grande importance au parfum, tels les Égyptiens, chez qui il confinait au divin : ainsi, l'ânti, viatique essentiel au défunt pour accéder à une autre vie. Des jeux olympiques à La Petite robe noire de Guerlain en passant par l'empire romain, c'est à un voyage des sens à travers l'espace et le temps que nous convie ce roman. Petit plus à la fin du volume, une bibliographie abondante sur le parfum bien sûr mais aussi la filmographie de Tony Curtis et une sélection des parfums les plus prestigieux depuis... 1714 !
|