[Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants | Kenzaburo Oe]
Voilà le genre de titre qui suffirait à vous donner envie de lire le roman qui le porte !
En réalité, je l'ai lu complètement par hasard : c'est mon cher et tendre qui a acheté ce titre lors d'un salon du livre de poche, et qui ne l'a toujours pas ouvert, ses lectures se limitant souvent à de pieux vœux, quand je ne peux voir passer un livre sous mon nez sans avoir tout de suite envie de le dévorer...
Tout cela pour vous dire que je n'avais aucune idée de ce que j'allais trouver dans ce roman, dont j'ai pris soin de ne pas lire la quatrième de couverture avant de l'entamer, pour garder intact le plaisir de la découverte...
Le narrateur est un jeune adolescent dont le récit vous met tout de suite dans le bain : il fait partie d'un groupe de délinquants, tous mineurs (certains ne sont que des enfants dont le crime est de n'avoir pas été désirés par leurs parents), qui, au début du roman, a pris la route. Les jeunes sont encadrés par un éducateur qui doit les conduire dans un endroit sûr. Nous sommes au Japon, pendant la seconde guerre mondiale, et la maison de correction où étaient internés les enfants est menacée par les bombardements.
Ils sont ainsi confiés à la garde de villageois, le temps que l'éducateur parte chercher un autre groupe de prisonniers. Les habitants de la petite bourgade considèrent ces hôtes qu'on leur impose avec mépris et méfiance, se montrant parfois violents. Et lorsque une épidémie mortelle se propage, ils n'hésitent pas à fuir, les laissant seuls dans le village abandonné, ayant pris soin de leur barrer toute issue.
Les enfants vont ainsi faire l'apprentissage de la survie, côtoyer la maladie et la mort, et devoir faire appel à toutes leurs ressources pour subsister...
Ce récit m'a fait penser à une fable, mais une fable macabre et glaçante... Les situations vécues pas les personnages ont un caractère presque irréel, certains protagonistes sont dépeints de manière caricaturale. En revanche, la façon dont le narrateur relate les événements et le comportement de ses camarades, ainsi que celui de leurs bourreaux, est teintée d'une sincérité touchante. Cette ambivalence entre le ton du texte et son contenu est sa force. L'auteur, par la voix de son héros, qui mêle à une poignante lucidité la naïveté de sa jeunesse, parvient à exprimer l'ampleur que peut revêtir la cruauté humaine, et la douleur que représente la perte de l'innocence pour les enfants qui doivent s'y confronter trop tôt.
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