Le sac conçu comme instrument de fabrication de soi, comme objet d'affect, comme récipient à deux vies et sans doute trois fonctions : utilitaire-altruiste, féminine-séductrice, protectrice de l'identité... Ses contenus constituent-ils un mystère, et cette interrogation n'est-elle que masculine ? Sinon, pourquoi les femmes ne sont-elles donc pas prêtes à se laisser fouiller dans le sac ?
Les neuf premiers chapitres traitent donc des contenus des sacs et de leurs significations. Les sept suivants, à partir de la question : "Combien de sacs ?", se penchent davantage sur le contenant, et ils sont très marqués par le concept de ses "deux vies" et des deux premières de ses fonctions sus-indiquées. Enfin les cinq derniers, dans l'ensemble, introduisent la dimension dynamique des phases de la vie des femmes, telle qu'elle se reflète dans leurs sacs notamment en relation avec la problématique existentielle de la légèreté ; aussi, la valeur identitaire de l'accessoire devient-elle plus prégnante, particulièrement dans le ch. 22 : "Le sac et le soi".
A noter en outre :
1 - le fil rouge qu'est l'analogie entre sentiments liant la propriétaire à son sac et sentiments amoureux, rendu avec beaucoup d'ironie dans le témoignage suivant :
"Un sac se choisit un peu comme un homme. Il faut qu'il nous plaise, bien sûr, mais pratique surtout ! Ni trop dur, ni trop mou : trop dur, une fois posé, il tombe ; s'il est trop mou, une fois posé, il laisse entrevoir tout son contenu. Un sac se choisit au coup de foudre. Un sac, on le touche, on le respire, on l'ouvre tout doucement, on inspecte le nombre de rangements, on teste sa solidité. Plutôt en avoir peu mais de bonne qualité. Comme les hommes ! [...]
Parfois on rencontre un homme qui nous séduit par ses paroles, son charisme, son mystère. En se rapprochant de lui, on sent son odeur corporelle et... on réalise qu'une relation charnelle ne peut être possible. [...] Un sac qui nous plaît et qui est fonctionnel, s'il a une mauvaise odeur, on le l'achètera pas, même si on nous le donnait, on ne le prendrait pas." (pp. 114-115).
2 - dans le contexte des rivalités personnelles provoquant des jugements de goûts ("La guerre des sacs"), une considération d'ordre général sur l'impératif du volontarisme identitaire dicté par notre modernité avancée et ses conséquences (thème déjà abordé par l'auteur dans plusieurs ouvrages de sociologie de l'individu) :
"Chacun aujourd'hui est censé inventer sa vie à son idée, avec une très grande liberté de choix dans tous les domaines. Il en résulte une mise en flottement des repères traditionnels, et l'émergence d'un nouveau processus de compétition généralisée, et surtout de classement et de jugement des uns par les autres. Chacun note chacun dans tous les domaines ; la façon d'élever ses enfants ou de passer ses vacances, les valeurs morales, le style vestimentaire, etc. [...] Or ce qui est très pénible dans cette nouvelle donne du jeu social est que la meilleure manière de se donner à soi-même de bonnes notes, renforçant l'estime de soi, est d'en donner de mauvaises aux autres. " (p. 138)
L'ouvrage, on le voit, est plein de "bonnes idées" et d'appels à la réflexion. La méthode de traitement des témoignages ainsi que la prose sont rodées par trente ans d'enquêtes en "sociologie du quotidien". Pourtant la conscience d'être un chercheur à vaste auditoire et très prolifique provoque chez l'auteur des résultats qui me semblent désormais trop hâtifs, trop légers eu égard aux problématiques effleurées, sans commune mesure avec ses travaux plus anciens. Même la (relative) théorisation du début de cette note est largement de mon cru, à des fins de synthèse, et ne reflète guère la fluidité du style du livre...
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]
Afficher toutes les notes de lectures pour ce livre