Reykjavik s’étend et sa banlieue croît sur des nouveaux quartiers en chantier comme celui de Thusöld. Les maisons vont bientôt pousser sur leurs fondations et les enfants jouent sur les terrains fraîchement excavés. Le jeune Toti a cru ramasser une belle pierre en glanant dans les lopins en construction. Sa jeune sœur a tout juste un an ; elle s’est mise à mâchouiller la trouvaille de son frère mais la pierre se révèle être un os humain. Les polices criminelle et scientifique sont dépêchées sur les lieux. Le commissaire Erlendur, secondé par Elinborg et Sigurdur Oli vont tenter de remonter le temps jusqu’à l’époque de la Seconde Guerre mondiale afin de connaître les occupants dont il ne reste aucune trace hormis les ossements d’un mort anonyme. Erlendur va faire appel au savoir-faire d’un archéologue en la personne de Skarphédinn afin d’extirper de la terre le squelette et tous les indices possibles. Erlendur repère immédiatement une rangée incongrue de trois groseilliers poussant dans le no man’s land du terrain vague. L’enquête va s’avérer difficile à mener car le temps a effacé les traces. Les enquêteurs vont devoir fouiller les archives privées et les mémoires vacillantes ou verrouillées des anciens habitants du quartier. La tâche est plus rude à mener qu’il n’y paraît car les vieilles histoires de famille ne doivent pas sortir des caveaux sous peine d’éclaboussures et de souillures indélébiles. D’après les dires, une femme en vert toute tordue hanterait encore les lieux aujourd’hui. La vérité émergera au compte-goutte et à la petite cuillère. Parallèlement à cette fouille archéologique méticuleuse dans les strates géologiques et familiales, Erlendur est sollicité par un appel de détresse de sa fille Eva Lind et après une effarante course dans les bas-fonds de Reykjavik, il la repêche in extremis aux portes de la maternité et de la mort. Victime d’une hémorragie sévère, Eva Lind avorte et sombre dans le coma.
D’une écriture serrée, le roman d’Arnaldur Indridason fouaille jusqu’aux racines des êtres, au moment décisif où les vies basculent. Le travail de l’écrivain sur le temps et l’espace est remarquable. Il fait converger habilement le passé et le présent à mesure que les ossements livrent leur histoire. Dès le départ, l’auteur déroule la vie d’une femme anonyme, mariée à un homme brutal et sadique qui la bat à outrance et menace de tuer leurs enfants si elle s’enfuit. Le dénouement est amené par la femme en vert, étonnante de présence et de sensibilité. Le lecteur a beau être habitué aux ficelles du roman policier, il n’en éprouve pas moins de fortes émotions à mesure que l’exhumation se concrétise et que les fantômes ressuscitent. L’œuvre est forte et difficilement oubliable.

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