[Ni loup ni agneau : yéti ! Suivi de Matutinales | Michel Gorsse]
Comme il y a des phrases qui se construisent en marchant, il y a des livres que l’on découvre à l’étape, miraculeusement. J’étais sur les hauteurs de Mantet, dans les Pyrénées Orientales, arpentant les « plas » et foulant les premières neiges d’automne. Renâclant à redescendre sous la mer de nuage plombant toute la vallée, la nuit venant, j’ai choisi à la dernière minute la Cavale, un des deux gîtes de Mantet. Le maître des lieux a fait une flambée. Sur une étagère se tenaient debout des livres rares et précieux, confidentiels et amis. Feuilletage rapide et complicité immédiate : « En toutes choses la beauté du geste a été ma seule ambition. Pour n’avoir jamais dérogé à ce précepte, j’en suis encore à brasser allègrement la poussière des chemins, à caracoler sur les lignes de crêtes/A me couvrir d’or/Alchimique. » Je ne peux que reconnaître mon itinéraire dans ces propos. J’ai immédiatement identifié l’auteur à la photographie en 4e de couverture. J’ai demandé au maître des flammes s’il avait d’autres titres en réserve. J’ai ouvert une boîte de sardines, pris un thé et commencé la lecture. Bien que je ne commette jamais ce geste sacrilège, j’ai annoté le recueil, reprenant certains poèmes que j’aurais écrits différemment. Je me sentais trop concerné pour ne rien dire, même en sourdine. Ainsi du dernier poème de « Matutinales » : « La mort est un vestiaire : tu rends ton âme et basta ! » Ce « basta » est un peu court. J’aurais plutôt écrit : « La mort est au vestiaire : tu y pends ton âme et ta peau est une défroque ajourée que tu jettes dans l’arène des vents. »
En une bonne centaine de pages, l’auteur déverse poésie, aphorismes, réflexions sur la marche à pied et sur celle du monde. Ces dernières sont les moins convaincantes même si on y adhère à la super glu. Les jaillissements poétiques nés au contact du monde, au frottement avec la rugueuse réalité, laissent après effusion une belle caillasse de mots comme un sable aurifère dans le lit blanc du papier. On sent que de nombreuses lectures ont été faites, digérées et assimilées. L’écriture n’en est pas moins fluide, cohérente, personnelle. Il y a peu de scorie et on y déniche des pépites essentielles. A la fin du livre, on peut penser, à l’instar du poète : « Un peu moins d’ombre, voilà un bon début de clarté. »
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