Étrange paradoxe : plus il y a de journalistes, moins il y a de journalisme. Car la multiplication des médias et l'explosion des nouvelles technologies aboutissent à faire de chaque journaliste un numéro. Victimes de cette banalisation, les figures du journaliste politique, du grand reporter et de l'enquêteur ont bien pâli. Et si le public s'estime mal informé, les producteurs de nouvelles ont le sentiment que les nouvelles règles du jeu médiatique leur interdisent de respecter celles qui étaient au c?ur de leur métier. Qu'est-il donc arrivé au journalisme ? Les deux auteurs disent tout haut ce qu'on ne peut s'avouer dans les rédactions : leur métier a mal tourné ; la peur est devenue le premier carburant de la profession. L'industrie des médias est à présent dominée par quelques grands groupes, ce qui a contribué à écraser les individualités. Pour autant, si les journalistes se contentent de rediffuser la même information et la même vulgate en mille éclats de voix et de phrases, ils en sont aussi responsables. Le journalisme était un métier, il est devenu, avec la complicité souvent involontaire de ceux qui l'exercent, une idéologie diffuse qui prend la forme d'un conformisme pâteux constitué d'idées trop simples et d'icônes vénérées. Élisabeth Lévy et Philippe Cohen exposent les logiques à l'?uvre dans la fabrication de l'information et analysent les dernières mutations d'un paysage médiatique français sinistré par l'érosion des recettes publicitaires. Le salut ne viendra pas seulement d'Internet mais d'abord de la détermination des journalistes et des citoyens à défendre un artisanat de la liberté sans lequel il n'est pas d'information.
Titre
Notre métier a mal tourné - Deux journalistes s'énervent