Le temps des taons.
1973, Pierre & Mado Faldérault accompagnés de leurs trois filles Nicole, Paulette, Julie-Jolie, de leur jeune fils Louis lié à un rongeur imaginaire dénommé Tchouki quittent en 4L « blindée » la Belgique pour le sud de la France. Un bel été s’irise à mesure que les kilomètres s’avalent, étirant les tracas et agençant le bonheur avec des petits riens saupoudrés sur des paysages traversés de lumière.
La chronique familiale de Zidrou et Lafebre joue sur la fibre nostalgique avec la mise en perspective des souvenirs face à une ruine les pieds dans l’eau par le couple Faldérault lui-même rattrapé par l’âge. Une des forces de l’album provient sans doute du mariage réussi entre un graphisme bonhomme émaillé de couleurs lumineuses et un propos plus sombre lié à la séparation post estivale du couple et au cancer généralisée de la tante Lili. Bien documenté, le récit est enlevé et réveille des ambiances qu’on croyait enterrées depuis des lustres.

Benoît Drouzie (Zidrou en verlan) est un scénariste belge prolifique et talentueux (« L’élève Ducobu », « Les Crannibales », qui a su réactiver une bédé franco-belge perfusée, à l’image des « Ric Hochet », « Clifton » ou « Léonard »). Aujourd’hui, il s’oriente avec intelligence et sensibilité vers des histoires destinées davantage aux adultes (« L’adoption », « Les beaux étés »). Le dessinateur espagnol Jordi Lafebre est habitué à travailler avec Zidrou (« Lydie », « La Mondaine », « Les beaux étés »). Son trait net, vif et précis lui permet toutes les audaces (cadrages, mise en page, expressions des visages et des corps) au service d’une vitalité éclatante et d’une émotion habilement rendue.
En 1969, la famille Faldérault part de Belgique à bord d’une Renault 4L à destination des calanques marseillaises et des vacances de rêve. Pierre est dessinateur de bédé et croit en sa dernière création, « Four » un justicier à quatre bras au Far West. Sa femme Mado est enceinte de quelques semaines mais leur jeune fille Nicole le claironne à tout un chacun. Julie, la sœur aînée est pudique et retenue. D’ailleurs sa famille ne se prive pas de lui rappeler qu’elle est observée où qu’elle soit dans l’expression de ses besoins intimes.
Cette chronique familiale ne s’appesantit pas sur le passé et la nostalgie bien qu’elle s’ancre dans un passé révolu. Elle est enlevée, souriante et parfois franchement drôle à l’exemple du hippie pris en auto-stop en partance pour Katmandou et totalement déconcerté par l’ambiance à bord de la 4L.