Lyrisme. Mots scandés. Mots doux. Mots de révolte. Images d'une belle humanité.

Ce recueil, je l'ai lu quand j'étais en première (en... 1994!)
J'ai passé mon bac de Français dessus, et j'en étais bien content!!!
J'avais été passionné, je me rappelle, par ces poèmes qui bouleversaient ma conception du "nègre". J'ai eu du mal à comprendre la manière dont s'exprimait la souffrance de Césaire. Je comprenais la révolte, le refus de se laisser marcher sur les pieds, mais je ne comprenais pas la haine que le "nègre" pouvait avoir contre lui-même, parce qu'il avait adopté la pensée de son agresseur.
Je n'avais jamais imaginé les dégâts psychologiques que l'on pouvait infliger aux autres.
Je ne comprenais pas la haine que Césaire avait pour son physique de "nègre".
Ai-je compris aujourd'hui? Pas plus, mais j'ai accepté les effets de la haine.
Grâce à Césaire, je comprends mieux ce que quelqu'un peut endurer.
Hélas, je n'ai plus ce livre, qu'il faudra certainement que je me rachète pour m'y replonger, malgré le souvenir tenace de quelques horreurs (les pustules, oui, oui, les pustules...)

Il faut reconnaître que pour un non initié à la poésie, la lecture de cette oeuvre est assez ardue. Mais je crois qu'il s'agit avant tout des chocs provoqués par la force de la langue et la dureté de la vision d'Aimé Césaire.
On est gigoté entre de grands morceaux de beauté sensuelle sur la Martinique, ses habitants, le fonctionnement interne de la communauté notamment urbaine et des mots cruels, peut-être clairvoyants, aussi bien sur les colons que sur les autochtones desquels la misère, la faim enlèvent toute vélléité d'émancipation.
J'étais parfois pris au coeur, emporté par la langue comme à la lecture du "Bateau ivre" d'Arthur Rimbaud, ou encore de "La Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France".

Un recueil magnifique, lu peut-être un peu trop vite, mais pour mieux y revenir les semaines qui viennent. Je regrette infiniment qu'il ait fallu que l'actualité m'oblige à considérer cet auteur pour vraiment le découvrir.

Un poème-rugissement, un poème-chant, un poème-cri.
J'ai lu ce texte confortabement installée sur un transat sur la place de Bavaro de Punta Cana en République Dominicaine, je n'étais pas si loin des Antilles et sur l'île où je me trouvais je pouvais transposer sans problème ce chant contre l'esclavage, il me suffisait de quitter l'hôtel et de faire quelques pas vers les terres pour voir combien la misère y était saillante comme le soleil.
Alors ce chant s'est inscrit en moi au rythme de la brûlure du soleil, je lisais et sentais la beauté de la langue couler en moi, comme un ti-punch vif, sucré et suave. Si j'avais été un peu folle, je me serais levée pour chanter et danser les bras levés tant ce texte appelle l'homme à se lever, à Vivre, à se battre !