La sentinelle.
Aux confins de l’Arizona et du Nouveau-Mexique, Tex Willer et Kit Carson font écumer leurs montures en détalant ventre à terre car ils sont pris en chasse par des Apaches agressifs et pugnaces. Rapidement acculés contre l’abrupt d’une mesa, les rangers sont assiégés. Ils profitent de la nuit et d’un passage emprunté par un coyote pour se faufiler à leur tour dans l’échancrure de la paroi. Tout un univers minéral se déploie. Le cheminement hasardeux sur des vires, sous des éboulements rocheux puis sous le feu d’un mystérieux tireur embusqué contraint les rangers au qui-vive. Ils finissent par tomber sur une grotte aménagée et découvrent, médusé, la sentinelle qui les tient maintenant en joue. John Rickfield est un Sudiste isolé de tous qui ignore que la Guerre de Sécession est finie depuis des années. La vingtaine d’Apaches a fini, en pistant les rangers, par tomber sur le repaire de Rickfield. De plus, des pluies torrentielles commencent à s’abattre sur la mesa, entraînant une dangereuse montée des eaux.
L’aventure imaginée par Claudio Nizzi est bâtie sur une continuelle poussée en avant sous la menace des poursuivants Apaches. Les rangers ne peuvent jamais reculer. Ils découvrent ainsi un monde secret fermé à l’aridité désertique au-delà des parois rocheuses. Des nappes d’eau pérennes ont permis le développement d’un écosystème. Rickfield semble un Robinson oublié des hommes et de l’histoire. La folie aurait pu le terrasser mais sa mission de guetteur dans un camp retranché utile aux Sudistes est primordiale. Comme dans un désert des Tartares, l’ennemi ne viendra plus jamais mais Rickfield l’ignore.
Miguel Angel Repetto, talentueux dessinateur argentin né en 1929, réalise une nouvelle fois une histoire toute en finesse. Les hachures et les aplats noirs, le trait précis et délié, le dynamisme des dessins sont des constantes dans son abondante production. De multiples détails constituent de véritables régals visuels à l’instar des plans panoramiques très souvent occupés par un animal sauvage superbement dessiné. A noter, sur une vingtaine de pages, Repetto magnifie les scènes sous une pluie diluvienne, le jeu des hachures trouvant pleinement à s’exprimer. L’histoire trouve son dénouement dans le n° 566, « Un soldato ritorna ».

Los Rurales.
Dans le bourg de Tecopah posé dans le désert où les rangers ont fait halte, la garde civile mexicaine, les Rurales commandée par le capitaine Larriego est prête à donner l’assaut à l’arme blanche afin d’éliminer des fouineurs indésirables. Tex et ses pards ont senti l’odeur du traquenard. Ils prennent les devants et s’extirpent du guêpier mortel, emmenant Larriego en otage mais rapidement les Rurales les cernent. Pour Tex et Carson restés pour couvrir le départ de Kit et de Tiger, la mort est proche. La tenaille se resserre et les deux hommes tentent une dernière sortie, colts au poing, sachant qu’ils n’ont aucune chance d’en réchapper vivants à moins d’un miracle.
Superbe suite et fin de « Spedizione in Messico », « Rurales ! » amplifie l’aventure des rangers en découvrant les cercles concentriques d’un piège létal ourdi en amont. Pour Tex, il faut remonter aux sources du mal afin d’éradiquer le sinistre donneur de mort. Depuis Max Wharton, agent corrompu des affaires indiennes au méphistophélesque capitaine Masters et jusqu’à l’énigmatique Mister Tipton, véritable donneur d’ordres, le ranger va devoir franchir les portes de l’enfer et risquer sa peau à chaque seuil passé. Heureusement, chacun des compagnons de Tex va jouer à fond sa partition et les effets conjoints des volontés tendues vers un même but décupleront les forces en présence dans une orchestration parfaite. Le plaisir de lecture ne faiblit jamais. Il n’y a aucun temps mort. Les situations sont tendues. Le dessin de Dante Spada est une belle découverte. Le trait réaliste, élégant, expressif concourt au bonheur de la lecture.

Expédition au Mexique.
Le capitaine Masters, de l’armée régulière américaine, a donné rendez-vous aux rangers Tex Willer, Kit Carson accompagnés de Tiger Jack et de Kit Willer dans un pueblo abandonné du Nouveau-Mexique pour une mission secrète en terres mexicaines. Il s’agit officieusement de faire revenir dans leur réserve indienne une bande d’Apaches. Accompagné par le jeune lieutenant Baines, les compagnons traversent à cheval le redoutable désert du Sonora. Arrivés sur les lieux, ils sont repérés par une bande de chasseurs de scalp menée par El Gordo.
Mauro Boselli a composé une superbe histoire qui laisse la part belle au dessinateur italien Dante Spada. Autodidacte, Spada travaille depuis plus de vingt ans pour les éditions Bonelli. De splendides planches muettes donnent tout leur poids aux regards indiens, qu’ils émanent de Tiger Jack, Navajo doué d’un sens aigu de l’observation ou d’Islero, métis Yaqui toujours aux aguets. La confrontation des deux hommes à travers des jeux de piste dangereux est tendue et prenante. Jouant avec les stéréotypes, Boselli crédibilisent ses personnages en les humanisant. Dante Spada est un dessinateur exceptionnel, travaillant les détails sans s’y perdre, représentant des paysages habités. Tout n’est que traquenards et chausse-trapes. Le maître d’œuvre d’un plan machiavélique ne se révèlera qu’à la toute fin, dans le n° suivant intitulé « Rurales ! »