Hiver 1953, dans un petit village du Nord de la France, à deux pas de la frontière avec la Belgique. Alors que les troupes françaises se battent en Indochine et les troupes américaines en Corée, la France se déchire autour du procès qui s'ouvre à Bordeaux le 12 janvier 1953 des soldats SS ayant participé au massacre d'Oradour sur Glane, parmi lesquels 14 alsaciens, 13 enrôlés de force et un engagé volontaire. Le roman s'attache aux pas de Robert, un jeune photographe lillois d'une trentaine d'années, escroc à la petite semaine, dont le destin va croiser celui d'Hortense, l'institutrice du village, venue récemment d'Alsace, qui vit seule et vient d'accoucher d'un petit Roland. Robert raccompagne Hortense à son village après son accouchement et décide s'y installer et se faisant passer pour le père du bébé, avec l'assentiment de la mère qui se sent menacée. Et de fait, les habitants du village seront bientôt la cible de plusieurs incendies inexpliqués. Les tensions s'exacerbent et Robert, tout en essayant de se fondre dans le paysage, mène l'enquête.
Michel Quint nous livre ici un roman à mi-chemin entre l'intrigue policière et le roman historique et régionaliste. La reconstitution du décor, des conditions de vie et même de l'ambiance sonore de l'époque (Trénet, Fréhel, Mouloudji ...) est particulièrement soignée. On sent que l'auteur est très imprégné des films de l'époque, ceux de Jean Renoir, Jacques Becker, Julien Duvivier, Marcel Carné ... On imagine très bien Jean Gabin dans le rôle de Robert et Arletty dans le rôle d'Odette, la superbe femme du patron du "Cheval volant", le bar-épicerie du bourg. Les faits historiques comme par exemple l'histoire du réseau de résistants La Voix du Nord et la polémique autour de l'actionnariat du journal créé à la Libération, sont subtilement incorporés à l'intrigue du roman. On sent que Michel Quint s'appuie sur une documentation en béton. Et par ailleurs, il sait maintenir son lecteur en haleine jusqu'au bout. La seule réserve que j'ai envie de formuler concerne l'omniprésence dans le récit du "narrateur omniscient", qui lui donne un ton un peu monocorde. Il me semble que Michel Quint aurait gagné à donner davantage d'autonomie, de "voix" à ses personnages et je regrette un peu de sortir du livre sans savoir ce qu'Hortense, Odette, "Léon Morin" le prêtre, Noëlla la coiffeuse ou d'autres encore parmi les divers protagonistes avaient à nous dire. J'espère qu'une adaptation de ce roman au cinéma viendra un jour combler cette attente ...
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