Un représentant de commerce, Alfredo Traps, tombe en panne dans un petit village suisse. Le seul hôtel étant plein, il est invité à loger chez un juge à la retraite. Celui-ci lui propose de jouer le rôle de l'accusé lors de la soirée qu'il organise avec d'anciens collègues devenus amis. En effet, ceux-ci, autour d'un repas gargantuesque, s'amusent à jouer des procès à la manière d'un jeu de rôle. Traps accepte...

J'ai beaucoup aimé cette nouvelle. Tout au long de ce court récit, l'on se demande jusqu'où ira le jeu... Et la fin m'a surprise, car si j'hésitais entre deux issues, je n'avais pas prédit celle-là. Or pour une nouvelle, une fin réussie me semble être un élément clef.

J'ai vu certains commentaires disant que cette nouvelle pourrait illustrer le proverbe "On a tous quelque chose à se reprocher". Ce n'est pas faux, mais pour moi cette nouvelle illustre surtout "Un jeu qui va trop loin".

Commentaires de Gérard :
Après un premier chapitre vaguement ennuyeux pour justifier « la panne » (il ne reste que le hasard si le destin n’existe pas), ce court roman, à la fois désopilant et très noir, présente des vieillards à la retraite comme des enfants qui s’excitent à jouer à leur métier et rendent une parodie de justice, au cours de bombances et de beuveries rabelaisiennes.
Le héros se demande alors si tout innocent est un coupable caché qui s’ignore plus ou moins ? ou s’il vaut mieux être un coupable reconnu qu’un innocent banal ?
On se demande si ces vieillards ne sont pas dérangés ou pervers, et jusqu’où ils vont aller, mais la chute reste quelque peu surprenante.
Le roman pose ainsi des questions importantes quant à la conscience de nos actes, les interprétations qu’on en fait et la culpabilité qui en découle…
et de C-Maupin :
Un chef d'œuvre d'humour noir, révélant une vérité profonde : la conscience de la banalité et de la mesquinerie de sa vie peut pousser à toutes les extrémités.

Victime d'un accident de voiture, un représentant de commerce est contraint de dormir chez l'habitant. Son hôte est un ancien magistrat qui a pour coutume de convier d'autres anciens professionnels de la justice lors de dîners où ils s'amusent à reproduire des procès célèbres. Notre commercial se prête au jeu du procès : le voici contraint de justifier son ascension sociale et notamment le décès accidentel de son ancien supérieur hiérarchique (qu'il trompait avec sa jeune épouse). Quand se profile une condamnation, sourd l'angoisse : ce jeu est-il juste pour rire - et la hache du bourreau sera-t-elle réellement factice ?
Bien que captivant, le dénouement de ce récit est prévisible.

La panne est un conte moral qu'on pourrait sous-titrer "On a tous quelque chose à se reprocher".

Un VRP est bloqué dans un petit village pour la nuit. L'auberge étant comble, il trouve gite et couvert chez un juge en retraite qui le convie à un festin avec des amis juristes (un procureur, un avocat, un bourreau) et lui propose un jeu : incarner l'accusé d'un procès imaginaire.
Au début l'accusé n'a rien à se reprocher mais il trouve finalement un évènement de sa vie qui peut prendre un tour criminel...petit à petit, la culpabilité se confirme dans l'esprit (de plus en plus embrumé par l'alcool qui coule à flot) de notre VRP et à la fin c'est avec la plus grande véhémence qu'il affirme son crime et refuse la clémence du juge.

Ce procès est rythmé par une succession de mets et de vins fins...100 pages de procès, 100 pages d'aveu et 100 pages d'une bacchanale, d'une beuverie exubérante.

La première partie du roman est un constat de l'auteur sur la disparition de l'aléa, du divin, du fantastique, dans une société devenue hyper-matérialiste. Un constat de 1952 qui n'a rien perdu de sa force, de son sens.

Nous ne vivons plus sous la crainte d'un Dieu, d'une Justice immanente, d'un Fatum, comme dans la Cinquième Symphonie; non! plus rien de tout cela ne nous menace. Pour nous, ce sont les accidents de circulation, les barrages rompus par suite d'une imperfection technique, l'explosion d'une usine atomique où tel garçon de laboratoire peut avoir eu un instant de distraction; voire le fonctionnement défectueux du rhéostat des couveuses artificielles.

C'est dans ce monde hanté seulement par la panne, dans un monde où il ne peut plus rien arriver sinon des pannes, que nous avançons désormais avec des panneaux-réclame tout au long de ses routes et des petits monuments de pierre dressés,ici ou là, à la mémoire des accidentés.
Et dans ce monde, il ne reste plus guère que quelques rares histoires encore possibles, où perce encore timidement un semblant de réalité humaine à travers l'anonyme visage de quelqu'un, parce que parfois encore la malchance, sans le vouloir, va déboucher dans l'universel, une justice et sa sanction se manifestent, et peut-être la grâce aussi, qui sait? dans le reflet que jette, tout accidentellement, le monocle d'un vieil homme soûl.