Le puits des sacrifices
Dans la jungle du Yucatan, les Indiens descendant des Mayas sont subjugués par ce qu’ils croient être la réincarnation de leur dieu Kukulkan sous les traits d’un archéologue, James Sanders, devenu aliéné pour la circonstance. Aidé d’une poignée de mercenaires dont le beuglant Bagley plus prompt à piller le temple maya qu’à fomenter une révolution et du capitaine Raga chargé du transport maritime des armes, l’illuminé Sanders est à même d’entraîner de pacifiques Indiens au massacre. Pendant ce temps, le véritable chef avisé et pacifique, Uaxan, croupit dans une cellule du temple. Par les marais et la jungle, les rangers Tex Willer et Kit Carson accompagné d’El Morisco remontent les pistes jusqu’au temple maya et découvrent l’ampleur du désastre en gestation. Comment peuvent-il enrayer la mécanique du diable et de la folie face à des Indiens fanatisés et à des aventuriers sanguinaires et assoiffés d’or ? Les forces en jeu dépassent les ressources des Texans et du savant égyptien El Morisco.
Bâtie sans temps mort, l’histoire est régulièrement émaillée d’escarmouches exotiques, attaques d’alligators, d’anacondas géants jusqu’à la confrontation finale. Tex Willer improvise dans l’urgence, entraînant son compagnon Kit Carson, déterminé, courageux mais parfois sceptique quant au bien-fondé des actions toutes plus risquées les unes que les autres. Carlo Marcello se distingue par la beauté et la précision de son graphisme. Le récit se conclura dans les 30 premières pages du n° 428.

Yucatan !
Un groupe de marins du « Moctezuma » tend un guet apens aux deux rangers dans le village de Matamoros. Tex et Carson ripostent et les morts s’amoncellent au grand dam de la maréchaussée mexicaine. Les deux pards s’esquivent et rejoignent le Pilarès, la maison isolée de leur ami El Morisco. Plongeant dans le parchemin, le savant en déchiffre les symboles mayas et décide d’accompagner les deux policiers dans leur aventure mexicaine. Rendez-vous est pris au palais présidentiel de Mexico avec Montalès, ami de longue date au bras long mais se révélant inapte à faire arraisonner le navire de contrebandiers. Le trio d’amis continue sur Veracruz puis embarque pour la ville Carmen sur la côte du Yucatan afin d’approcher du port de débarquement du « Moctezuma ».
L’aventure imaginée par Claudio Nizzi laisse la part belle au voyage à travers les villes portuaires, le désert et la jungle du Yucatan émaillée de coups de poing et de feu. El Morisco, érudit habituellement plongé dans l’étude fait partie de l’expédition jugée dangereuse par son fidèle majordome Eusebio resté très circonspect et demeuré au Pilarès. Le père de Docteur Justice possède un graphisme élégant, agréable et lisible que ses cadrages dynamisent. Dessinateur fécond, Carlo Raffaele Marcello soigne toutes ses productions pour le bonheur d’un lectorat d’une bédé populaire autrefois féconde, aujourd’hui morte et enterrée.

Duel infernal
Revenu au camp indien, Faucon Noir accuse Tex Willer du meurtre de Nez Plat pendant que le ranger, Carson et Tiger Jack sont coincés dans une grotte sous la surveillance armée de guerriers Utes. Le meurtrier, prétendant éconduit, provoque la colère et le désir de vengeance des Indiens dont celle de Tonkawa, amoureux de la fille du chef défunt. Faucon Noir risque de réussir son plan machiavélique en faisant s’entretuer le père et le fils et en cueillant Fleur de Lune au passage. Simon Gentry le Comanchero honni, à l’origine de ces sombres manigances, espère éliminer par personne interposée l’opiniâtre ranger collé à ses trousses. La confrontation finale sera de toute manière douloureuse et mortelle.
Dans ce sombre récit où l’amour est mis à mal, Claudio Villa clôt la tragédie imaginée par le scénariste Claudio Nizzi avec une maîtrise graphique qui procure beaucoup de plaisir au lecteur. L’histoire est prenante mais le regard ne peut s’empêcher de se poser avec délice sur les détails où tout est à sa place, avec évidence et aplomb, baignant dans une beauté formelle et impavide. Dès mars 1994, Claudio Villa s’attèlera à la réalisation des couvertures couleur de la série mensuelle chez Bonelli, réduisant ensuite ses réalisations d’histoires complètes du célèbre ranger texan, rendant son œuvre passée toujours plus goûteuse à chaque nouvelle lecture. A noter que jusqu’en décembre 2003, les éditions SEMIC ont publié sur le marché français les aventures de Tex Willer dans le mensuel petit format « Rodéo ». Depuis treize ans, le vide s’est installé dans le paysage éditorial français.
Le mystère du parchemin
Cherchant à démanteler un trafic d’armes à la frontière du Rio Grande, Tex Willer et Kit Carson pistent les trafiquants jusqu’au village de Matamoros débouchant sur le golfe du Mexique. Le soir, à la recherche d’une auberge, ils viennent au secours d’un Indien molesté et blessé à mort par trois marins. Mettant en fuite les assassins, ils récupèrent les dernières paroles de l’Indien ainsi qu’un mystérieux parchemin que seul El Morisco pourrait déchiffrer. Tex ramasse aussi le béret d’un marin perdu lors de l’algarade. Dessus est inscrit le nom du bateau « Moctezuma ». Il ne leur reste plus qu’à se rendre à bord mais les marins sont sur le qui-vive et la partie à jouer s’annonce rude.
Après l’enchanteur Claudio Villa, le plaisir est grand de tomber dans les rets du grand Marcello en verve dans une histoire où les trognes grimacent au souffle de l’aventure.

Sur la terre des Utes
Tex Willer s’est à peine rétabli de ses blessures qu’il se lance avec Kit Carson à la recherche de Simon Gentry, chef miraculé de la bande de Comancheros décimée par les rangers. Tiger Jack est envoyé avec une poignée de guerriers Navajos à la recherche de Kit Willer que son père refuse d’imaginer mort. Si Tex a raison sur un point essentiel, son fils a été sauvé des eaux et recueilli par la belle Fleur de Lune, fille du chef Nez Plat de la tribu des Utes, il ignore que son fils a perdu un pan de sa mémoire après avoir été frappé à la tête par une balle. Faucon Noir, l’homme fort et belliqueux de la tribu, convoitait Fleur de Lune mais il l’épie alors qu’elle est énamourée dans les bras de Kit Willer baptisé Tonkawa. Afin de couronner la jalousie de Faucon Noir, Tonkawa participe à un jeu tribal et remporte le tournoi, humiliant le prétendant bafoué. Autant dire que Tonkawa sème les cailloux de la zizanie qui mène au traquenard et au meurtre. Pendant ce temps, Tex et Carson se rendent à Flagstaff afin de serrer Gentry qui, prévenu par télégramme de l’arrivée des rangers, organise un comité d’accueil pétaradant. Face au nouveau fiasco né de l’invincibilité des policiers texans, Simon Gentry prend la fuite et part retrouver son acolyte indien lui-même en affaire avec Faucon Noir désireux d’armer ses hommes. Gentry, la mort aux trousses, apprend du guerrier Ute, l’existence de Tonkawa, métis amnésique qui ne peut être que le fils du justicier infaillible vissé à ses santiags. Gentry voit la possibilité d’organiser à peu de frais un piège pervers et mortel.
L’histoire de Claudio Nizzi débuté dans le n° précédent développe son intrigue avec brio et fluidité. Le duel entre le fils amnésique et le père meurtri se profile, inévitable, délétère, orchestré par un maître retors, acculé et sans remords. Claudio Villa réalise une œuvre graphique superbe en tous points. Il se situe au zénith de son art.

L’homme sans passé
Tex et ses fidèles compagnons sont à la recherche de dangereux Comancheros. Afin de trouver leur repaire pour les débusquer, les rangers ont l’idée de mettre en fuite Joe Galvez et de le faire suivre par Tiger Jack, redoutable pisteur navajo. Après une rixe épique au saloon, les amis se guident grâce aux indications laissées par Tiger Jack. Le plan se déroulerait idéalement si l’ami Navajo n’était capturé et torturé par les trafiquants d’armes. Pour les rangers, aucune autre possibilité ne se présente que celle d’aller affronter les bandits. La fusillade est mortelle et le jeune Kit Willer est frappé par une balle à la tête. Il chute et tombe dans la rivière qui l’entraîne dans les profondeurs du canyon. Tex Willer est durement blessé et son calvaire augmenterait dramatiquement s’il n’était persuadé que son fils est toujours vivant bien que le corps n’ait pas été retrouvé.
Claudio Nizzi a écrit une histoire âpre dans laquelle les héros sont durement malmenés. Bien que le scénario soit particulièrement réussi ourdissant en sourdine une tragédie antique, la palme de la réussite revient toutefois à Claudio Villa, dessinateur exceptionnel qui a encore peaufiné son trait pour le rendre plus rugueux. Il est difficile d’oublier les expressions des personnages notamment quand Carson apprend à Tex que son fils demeure introuvable. Le ranger, alité, ne dit rien et tourne le visage à l’opposé de son ami afin de dissimuler son chagrin. Chaque case est sous tension. Les expressions sont criantes. Les paysages demeurent superbes. Il s’agit d’un n° exceptionnel qui se déploie dans le n° 424 pour s’achever dans le suivant.