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[Au fond de la couche gazeuse. I | Baudouin de Bodinat] |
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Auteur |
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Message |
Franz
Sexe: Inscrit le: 01 Déc 2006 Messages: 1996 Localisation: Nîmes
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Posté: Jeu 09 Avr 2015 19:01
Sujet du message: [Au fond de la couche gazeuse. I | Baudouin de Bodinat]
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1re livraison d’une œuvre majeure en cours de parution dans la revue Fario, « Au fond de la couche gazeuse » met discrètement en scène un narrateur qui se confond avec l’auteur, lui-même invisible dans la vie d’aujourd’hui, sans empreinte numérique, expédiant à son éditeur ses manuscrits sous enveloppe, par la Poste, comme aux temps anciens. Le catalogue de nos maux et de nos pertes débute prosaïquement par l’usage machinal de l’éclairage électrique. Déjà, dans « La vie sur Terre » [1996-1999], l’auteur évoquait peut-être des souvenirs personnels lorsqu’il écrivait : « […] et si avec les progrès du confort les amants prennent des douches, bavardent au téléphone et ont un tourne-disque, […] c’est la froide lumière électrique qui dégrise leur nudité, au lieu qu’en épuisant la lampe à mèche, toujours inquiète, recueillait le témoignage des heures passées avec leurs ombres vivantes ». Aujourd’hui, il revient sur la lumière fixe et uniforme glaçant la réalité pour la cantonner dans un décor neutre : « L’éclairage électrique en nous désapprenant à voir dans la pénombre… dérobe toutes les pensées et sentiments des choses qui auraient trouvé… à s’y nuancer et ramifier au-dedans de nous en d’autres impressions et imaginations et souvenirs par jeu de correspondances, en phosphorescences si ténues que la lumière artificielle nous les rend invisibles… juste en actionnant l’interrupteur ». Alors qu’il pourrait sourire à la vie comme elle va, Baudouin de Bodinat suppute et soupèse l’ineptie des existences formatées à l’ère de la mondialisation, de la marchandisation et de la surpopulation : « […] des idées… viennent aussitôt à l’esprit, de pénuries angoissantes à s’additionner, de progressions de terres abandonnées à la dessiccation qui se constate en imagerie satellitaire, d’immensités océaniques vidées en l’espace d’une génération de tous leurs habitants comestibles, d’insalubrités à 9 milliards de terriens après-demain qui veulent manger tous les jours, d’extraordinaires désordres atmosphériques par-dessus tout cela… ». Quand l’auteur fixe son attention sur son environnement immédiat, l’étroitesse et la médiocrité des vies l’accablent : « […] le tout-venant précaire du IIIe millénaire chaussé de baskets… à la physionomie sans beaucoup de vivacité durant qu’ils sont chacun absorbés par le maniement de leur Smartphones… ou bien feuilletant un gratuit avec des fils électriques rentrant dans leurs oreilles ». Le portrait à charge n’est pas caricatural. Il dessine la lobotomisation en marche. Plus loin, il grave à l’acide la triste trogne des dirigeants de Goldman Sachs enrichis de manière éhontée, en toute impunité, « intouchables dans leur monde à part sécurisé d’hyper-luxe… » et responsables de la paupérisation de travailleurs surendettés par le biais des subprimes : « […] des physionomies fermées de prédateurs sans états d’âme […] Quand la moindre des choses eut été de jeter vivante aux piranhas cette engeance, cette lie de l’humanité ; ces monstres qui fatiguent la Terre ». Dans cette irréalité quotidienne, Baudouin de Bodinat s’arrête près d’un « vieil homme occupé à son jardin… ou sans hâte à ranger son bois pour l’hiver… pour se souvenir… qu’il aurait pu en aller très autrement de nous tous ». En dix-sept pages denses, le passage en revue des calamités programmées et des projets dévastateurs produit un passage à tabac des consciences. Si le sort en est jeté avec des dés pipés, reste une superbe prose incisant les maux et libérant les sanies.
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[Au fond de la couche gazeuse. III | Baudouin de Bodinat] |
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Auteur |
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Message |
Franz
Sexe: Inscrit le: 01 Déc 2006 Messages: 1996 Localisation: Nîmes
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Posté: Sam 07 Mar 2015 14:22
Sujet du message: [Au fond de la couche gazeuse. III | Baudouin de Bodinat]
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Un nouvel opus exceptionnel du très rare et précieux Baudouin de Bodinat est en train de se constituer en livraisons successives dans la superbe revue Fario à la périodicité incertaine. Intitulé « Au fond de la couche gazeuse, l’essai de l’énigmatique Terrien décalé qu’est Bodinat met en exergue une phrase de Vélikovsky extraite de « Mondes en collisions » [1950] : « Des créatures vivantes peuplent le liquide. D’autres volent dans le gaz et d’autres encore rampent ou marchent sur le sol, au fond de la couche gazeuse ». Le ton est donné. L’auteur prend de la hauteur puis regarde derrière et devant lui, à la charnière d’un passé révolu et d’un avenir cacochyme. Mêlant les scènes triviales, sorties de cinéma, courses au supermarché, les lectures exigeantes, Amyot, Saint-Simon, l’auteur emballe ses réflexions en les arquant sur des données scientifiques avérées et ahurissantes. Ainsi d’une « Terra incognita à la dérive, plus étendue que l’Amazonie et toute constituée de déchets de plastiques englués d’hydrocarbures sur quelques mètres en submersion ». Bodinat donne une magnifique et tragique dimension littéraire à son sinistre constat de gabegie et de pollution aveugles en comparant le magma d’ordures flottantes au « Portrait de Dorian Gray de l’âge pétrochimique ». S’ensuivent des considérations sur la psychologie comportementale à la suite de lifting ou d’injections. « Par suite de la perte de mobilité des traits et rigidité musculaire au visage » il devient difficile « d’exprimer en mimiques qu’une gamme d’émotions très réduites et atténuées ». Les personnes ainsi affectées « n’étaient capables de ressentir, d’éprouver intérieurement que des sortes d’émotions restreintes et peu intenses (paralysie à sourire ou froncer les sourcils, etc.) ». Un des pics du catalogue de nos maux est peut-être celui consacré « aux délires gastronomiques » d’aujourd’hui face à la pénurie alimentaire qui se profile demain car « il faudra bien trouver quelque chose à manger dans cet avenir qui est bientôt ».
En une vingtaine de pages où le fil discursif est en extrême tension, Baudouin de Bodinat constate presque tranquillement l’apocalypse en marche et en sourdine. Il voit au-dessus des systèmes politiques et commerciaux, la vacuité d’une existence gangrenée de toutes parts, prise dans un hold-up planétaire où le libre-arbitre est un leurre et l’angoisse du vide et de la mort une obsession universelle. Etonnamment, ce sinistre catalogue imprégné de nihilisme radical contient une force vitale exceptionnelle, un élan salutaire irrépressible.
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