Je pourrais me contenter de vous dire que "Confiteor", le dernier roman du catalan Jaume Cabré, est l'une des plus belles et des plus longues lettres d'amour qu'un homme ait écrite à celle qui n'a jamais cessé de le hanter...
Je pourrais le réduire au récit d'une course que ce même homme a entamé contre le temps et l'abandon progressif de sa mémoire...
Je pourrais le cantonner à la relation, toujours par cet homme, de ses souvenirs. Souvenirs de sa jeunesse d'enfant unique envers lequel ses parents, trop occupés à reporter sur lui de tyranniques et contradictoires ambitions (sa mère rêve d'en faire un grand violoniste, quand son père exige de lui qu'il devienne un érudit polyglotte), ne montrent aucune affection. Souvenirs de l'amitié indéfectible qui l'a lié à Bernat, violoniste doué qui s'est acharné toute sa vie, vainement, dans ses tentatives pour devenir écrivain. Souvenirs, enfin, de sa relation avec la belle Sara, à qui il s'adresse tout au long de ce récit...
Ce ne serait déjà pas si mal, me direz-vous...
Mais ce serait terriblement injuste, car terriblement réducteur.
Parce que "Confiteor", c'est tout cela, mais c'est aussi bien plus, au point qu'il me paraît difficile de vous donner ne serait-ce qu'une petite idée de la richesse de ce roman qui semble embrasser l'universel tout en disséquant la nature des drames tapis au cœur des destins individuels.
"Confiteor" est un récit diaboliquement intelligent, qui vous donne dans un premier temps un sentiment de confusion. De nombreux éléments, a priori incompatibles, s'y mélangent : le "je" et le "il", que le narrateur, Adrià, alterne sans transition, comme pour se distancier de lui-même, la passé et le présent, qui en s'enchevêtrant, abolissent les frontières entre les âges, les personnages, qui, pris dans cette osmose temporelle, peuvent endosser au cours d'un même chapitre plusieurs existences...
Puis vous réalisez rapidement que tout est parfaitement maîtrisé, que ces histoires multiples mais toutes imbriquées forment un ensemble cohérent, tenu par un fil conducteur qui nous ramène à un terrible dénominateur commun : l'intemporalité et l'universalité du Mal.
Les correspondances reliant les époques et les lieux évoqués sont matérialisées par des objets qui, ayant traversé les âges, ont été comme les témoins d'existences diverses dont nous découvrons, les pièces du gigantesque puzzle qu'est "Confiteor" s'assemblant peu à peu, la dimension tragique.
Si le narrateur perd doucement mais inéluctablement la mémoire, il semble être habité par celle du monde, dont il fait entendre le cri de douleur et d'incompréhension face à la barbarie des hommes, d'autant plus désespérante et obsédante qu'elle n'a besoin de rien d'autre qu'elle-même pour exister...
Partant d'une démarche analytique, philosophique, pour tenter de comprendre le Mal, Adrià se laisse finalement envahir par une incurable mélancolie, qu'alimentent également ses malheurs personnels, et qui dote le récit d'un ton qui vous hante longtemps.
Je ne sais pas si j'ai été vraiment convaincante... Pour faire simple : "Confiteor" est un roman passionnant, émouvant, et... bref, lisez "Confiteor".
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