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Les notes de lectures recherchées

2 livres correspondent à cette oeuvre.

Il y a actuellement 2 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).

Notation moyenne de ce livre : (2 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : azerbaidjan, islam, mariage force, petrole, revolution russe, xx° siecle

[Jours caucasiens | Banine]
Auteur    Message
apo



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 23 Aoû 2007
Messages: 1965
Localisation: Ile-de-France

Posté: Mer 23 Aoû 2017 21:23
MessageSujet du message: [Jours caucasiens | Banine]
Commentaires : 0 >>

[Lecture que je dois à FRAC, avec mes plus profonds sentiments de gratitude]

Je découvre avec jubilation en Ümmülbanu Hanım – alias Banine – une écrivaine de grande valeur et dont l’œuvre, d'envergure bien plus qu'épisodique, me semble très injustement méconnue, sous-estimée ou oubliée. Déjà la réédition présente (1985) de ce premier volume autobiographique (qui datait de 1946) comporte un avant-propos absolument honteux d'un Ernst Jünger dont Banine fut l'amie qui lui consacra trois monographies et que l'on a considérée comme son « ambassadrice à Paris » ; une honte doublée d'un machisme abjecte et scandaleux : Ernst eût apprécié surtout de pouvoir glisser une photo de la belle auteure mannequin entre les pages de son volume qui jaunissait dans sa bibliothèque, écrit-il...
Rendons donc justice à l'auteure ! Ce récit autobiographique possède deux mérites incomparables : celui de rendre compte, entre 1905 et 1924, de l'apogée et de la chute de la classe richissime des pétroliers caucasiens – entre le développement spectaculaire de la valeur marchande du pétrole, les événements tumultueux de l'éphémère République Autonome d'Azerbaïdjan (1917-1920) et l'impact de la Révolution d'Octobre sur cette néo-bourgeoisie parvenue qui, à l'improviste, fut spoliée, ruinée, emprisonnée, exilée ; d'autre part, et c'est sans doute encore plus intéressant, celui de relater de l'intérieur la dialectique conflictuelle entre les normes familiales et codes sociaux traditionnels – d'une société turco-chiite (configuration atypique et minoritaire) – et l'occidentalisation-modernisation galopante des mœurs. Deux figures sont emblématiques de cette dialectique : la grand-mère, qui ne tarit pas d'injures contre les « chiens de giaours » d'une part, et les gouvernantes des quatre jeunes filles de la famille : Fräulein Anna, mais aussi Mlle Marie et Miss Collins, dont l'influence se mesure au moins, chez Banine, à sa passion durable pour le piano et la littérature. L'on rêvera de passer ses vacances à Paris (avec un peu de chance, ce sera fait), l'on conduira de rutilantes Mercedes sur l'unique avenue de Bakou, l'on dilapidera des fortunes aux tables de poker, mais l'on continuera à marier les fillettes à peine pubères sans leur demander leur avis, de préférence à leurs cousins germains (afin que le bien reste en famille, naturellement...). La virginité est une valeur sûre, l'adultère aussi. Les hommes décident, les femmes commandent.

Tout cela est narré avec un humour, une légèreté, un détachement, une perspicacité, un laconisme absolument délicieux. Même dans les derniers chapitres, qui traitent du mariage forcée de la protagoniste avec un homme qu'elle hait et compare systématiquement à un ver de terre, où une compréhensible et évitable amertume remplace la frivolité des deux cents pages précédentes, la gravité du sujet n'efface pas le pétillant primesaut de l'intelligence.

Conquis, je m'élance aussitôt vers le second volet de cette autobiographie, qui a pour cadre la destination de l'exil de l'auteure : Paris.

[PS : Une nouvelle édition de cet ouvrage, qui serait vraiment nécessaire, devrait corriger les innombrables coquilles et dysorthographies de celle-ci, repérables presque à chaque page, qui étaient assurément absentes lors de la parution originelle chez Gallimard.]


Cit. :

« Donc, je tombai dans cette famille étrange, exotique et riche, un jour d'hiver d'une année mouvementée, remplie comme pas mal d'années dites historiques de grèves, de pogroms, de massacres et de diverses autres manifestations du génie humain, si particulièrement inventif pour toutes perturbations sociales. À Bakou, la majeure partie de la population, composée d'Arméniens et d'Azerbaïdjanais, était activement occupée à se massacrer. Cette année-ci, les Arméniens, mieux organisés, exterminaient les Azerbaïdjanais pour se venger des massacres passés ; quant aux Azerbaïdjanais, faute de mieux, ils y puisaient des raisons pour des massacres futurs. Ainsi tout le monde y trouvait son compte, excepté ceux, malheureusement nombreux, qui périssaient pendant ces événements. » (p. 15)

« Le lendemain, une commission vint examiner notre maison et, à la suite de cet examen, trouva, non sans raison, que nous n'avions pas besoin de tant de pièces pour si peu de monde. Le même jour, un commissaire accompagné de ses collaborateurs et de sa femme vint s'installer chez nous.
Notre premier contact avec le monde de la révolution fut cordial. La femme du commissaire, petite blonde au nez retroussé, nous invitait souvent, Leïla et moi, à prendre le thé avec elle ; il était servi dans notre plus beau service à thé (elle ne nous refusait rien) et accompagné de conversations littéraires. Elle aimait la lecture avec passion, et bien qu'il n'était en règle générale question que de livres aux titres tragiques, tel que Un Cœur captif ou Un Secret dans la nuit, pourvus de couvertures aux images suggestives, prometteuses des plus grandes jouissances intellectuelles, l'intention n'en était pas moins bonne et dénotait un esprit curieux et romanesque. » (pp. 147-148)

« Les tasses de thé succédaient aux tasses de thé et semblaient en dépit du bon sens enivrer les convives qui parlaient toujours davantage et toujours plus bruyamment. Finalement le commissaire se leva avec la visible intention de porter un toast, esquissa le geste de prendre la tasse de thé dans sa main comme s'il s'agissait d'un verre de champagne, mais se retint à temps, et se mit à parler. Son discours était ponctué du mot espoir, sentiment dont semblait se nourrir à profusion le commissaire, et de verbes au futur : "Nous sèmerons, nous bâtirons, nous créerons, nous récolterons..." » (p. 187)
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[Jours caucasiens | Banine]
Auteur    Message
FRAC



Sexe: Sexe: Féminin
Inscrit le: 28 Nov 2006
Messages: 265
Localisation: Belgique Liège

Posté: Jeu 29 Aoû 2013 22:00
MessageSujet du message: [Jours caucasiens | Banine]
Commentaires : 0 >>

Dans Jours caucasiens, Banine raconte son enfance jusqu’à l’âge de quinze ans. La petite fille naît en 1905, à Bakou en Azerbaidjan, dans une famille musulmane immensément riche. Son père exploite les gisements pétrolifères. Sa mère meurt à sa naissance. Banine est la quatrième fille du couple, son père est un père froid et distant, et lors de son remariage avec la belle Amina, la petite fille est encore plus délaissée par ses parents. Heureusement pour elle, sa famille s’étend à un large clan : grand-mère, tante, oncles, cousins partagent les mêmes quartiers, les mêmes vacances à la campagne et présentent des personnalités hautes en couleurs : cris, injures, coups, prières, imprécations, longues séances de poker font partie du quotidien. Livrée à elle-même, Banine dévore la bibliothèque de sa tante, et mûrit avant l’âge. Sa famille est tiraillée entre la fidélité aux traditions musulmanes et azerbaidjanaises, et la modernité occidentale apportée dans la famille par le père et sa deuxième femme. Banine a soif d’amour, son isolement affectif la pousse à tomber amoureuse, très jeune, d’hommes jeunes et moins jeunes qui participent aux mondanités familiales ou apparaissent dans le cadre des bouleversements politiques. En 1917, la révolution amène son cortège de malheurs. Après une brève période d’indépendance, l’Azerbaidjan tombe sous la férule communiste. La famille de Banine est ruinée, et la jeune fille de 15 ans est mariée contre son gré à l’homme qui sauve son père de la prison.
Ce que mon résumé ne rend pas, c’est l’incroyable humour de son auteur. Sa peinture des situations les plus cocasses, son extraordinaire capacité d’autodérision rendent son livre vraiment amusant, et cela ne diminue en rien la force tragique du récit. J’avais découvert ce livre il y a une vingtaine d’années, et je l’ai relu avec le plus grand plaisir.
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