Benny soit-il !
C’est au capitaine Benny Griessel, vieux routier afrikaner de la brigade des Hawks qu’est confiée la réouverture d’une affaire de meurtre non élucidée un mois auparavant. La jeune avocate d’affaires, Hanneke Sloet, sexy, bûcheuse et arriviste a été tué dans son nouvel appartement d’un seul coup porté à l’arme blanche. Aucun autre signe de violence, toute trace effacée, nul mobile apparent, l’assassinat est inexplicable et sombre dans une sinistre impasse jusqu’à ce qu’un mystérieux imprécateur envoie des mails à la police sud-africaine, la sommant de rouvrir l’enquête sous peine qu’une policier ne soit exécuté chaque jour. Passant de la menace à l’exécution, la peur, la frustration et la fatigue s’abat sur les forces de l’ordre. Griessel reprend tout à zéro, revient sur le lieu du crime, remonte toutes les pistes, interroge, décortique, remarque, enregistre, mixe, assimile jusqu’à saisir les ombres muettes et les effrois tapis : « il avait entendu le cri primitif, et il avait su, on crie tous quand on meurt, on s’accroche tous à la vie terriblement fort, et quand on relâche les doigts, on tombe et on crie de terreur. Devant la fin ». En dépit des aides précieuses et du dévouement des collègues policiers, Benny Griessel patine et le sniper continue son travail de sape meurtrier et quotidien jusqu’à ce qu’il pointe son calibre en direction de Griessel lui-même.
Deon Meyer produit avec régularité son opus policier made in South Africa. Benny Griessel semble s’être imposé dans le panthéon de l’auteur et apparaît de roman en roman de plus en plus franchement, occupant désormais le premier rôle, s’étoffant sans prendre pour autant de la bouteille, tenant à distance les démons de l’alcool seuls capables de calmer ses effrois quand il endosse le paletot de la mort des victimes. En effet, c’est en cela que le policier est touchant : « L’alcool était la seule chose qui parvienne à éloigner tous les bruits et les images de sa tête… ». Sinon, l’intrigue est simple en dépit des arcanes du monde de la finance internationale qu’il n’est pas nécessaire de déchiffrer pour en saisir les enjeux. Deon Meyer sait titiller l’intérêt du lecteur mâle en croquant une Hanneke Sloet superbe et avide de jouissance. Si le nœud de l’intrigue est bien là, comment tout cela s’articule-t-il ? Les dialogues sont vifs et font avancer l’histoire en l’aérant. Certains passages sont drôles à l’exemple de la discussion entre Pagel, le médecin légiste et Benny Griessel à propos des flops involontaires. Les collègues de Griessel, M’Bali et Vaughn Cupido assurent une présence remarquable et une superbe couverture au capitaine Griessel, toujours au parfum mais parfois totalement déconnecté. Il préfère le carnet de note au Smartphone, le goût d’une ambiance aux grésillements des réseaux électroniques. Yebo, lire Meyer reste lekker.
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