Les éditions albigeoises Les Requins Marteaux remettent pour la troisième fois le couvert à propos du Super Negra de Winshluss (1999, 2005 et 2012). A chaque fois, l’opuscule se trouve modifié par ajout ou suppression d’appendices. L’édition de 2005 proposait en plus cinq planches narrant le parasitage de soirée privée par les trois pas marrants petits canards, Riri, Fifi et Loulou, neveux du vieil avare Picsou, bien loin de la bienséance disneyenne, plus proche de la voyouterie décomplexée d’aujourd’hui. Elle incluait aussi en 2e de couverture une superbe reproduction en couleur tirée de la revue Ferraille où Betty Boop s’offusque que les trois petits cochons, roses et grimaçants, s’amoncellent derrière son épaule pour lire la revue Ferraille qu’elle tient ou peut-être veulent-ils tout simplement bigler sur ses superbes seins qu’elle dissimule derrière le « journal préféré des petits cochons ». La 4e de couverture dévoilait les mimiques de Mickey à l’Actor Studio. Tout cela a disparu dans l’édition de 2012 mais d’autres historiettes indépendantes de l’histoire centrale où Mickey et Dingo mutent après avoir goûté aux radiations, la souris de Disney devenant un rat, Dingo virant en monstre gigantesque à l’exemple de Godzilla. On y trouve « Caroline invite ses amis à sa soirée de merde » très librement inspiré d’un album de Pierre Probst « Une fête chez Caroline ». Winshluss se délecte à pourfendre le mythe de la petite fille modèle, ici une « jeune fille sophistiquée », égocentrée qui « aime les trucs kitchs, les beaux mecs et perdre du poids ». Ses pseudo amis, Noiro, Boum et Youpi sont les « rois de l’incruste » et remplacent sans peine les trois canardeaux dépravés. Le véritable et jouissif apport est la parodie du « Temple du soleil » où Tintin devient Jean-Jean, accompagné du « Capitaine » et du chien Dagobère. Six planches extraordinaires proviennent du n° 16 de la revue Jade [1]. Bien que l’édition des Requins Marteaux reproduise les planches avec une belle qualité d’impression, le format est trop petit et le dessin fouillé de Winshluss en pâtit un peu. Nonobstant cette contrainte comme dirait le vieux schnock de professeur, amateur de baronne et de cognac, dans chacune de ses petites mains expertes, racontant les mésaventures de Jean-Jean, la trivialité est excitante, le dessin colle à la peau des personnages, les dialogues sont hilarants, le découpage proche du génie à l’exemple des deux cases où Shirley, offerte nue sur un lit d’hôtel invite Jean-Jean à une partie fine. Elle lui demande son nom et scande dans l’image suivante : « Jean-Jean ! Jean-Jean ! » dans une prise en levrette biaisée alors que le jeune reporter aventurier serait en droit de scander des borborygmes de bûcheron sous forme de « Han-han ! » mais, bien élevé, il se contente de grimacer et d’exsuder en silence sous son Marcel. Besogne accomplie, enfilant son pantalon de golf, il complimentera son amante d'un jour : « Vous êtes une fille fantastique Shirley… Je crois que je vous aime… » Jean-Jean, jeune homme niais, en prend pour son grade, notamment après la découverte de sa cuisante gonorrhée que shirley fait passer pour un coup de chaleur mais Tintin, héros inoxydable, n’en souffre pas. Winshluss est un créateur exceptionnel dont le trait expressif et la narration fluide régénère un média souvent phagocyté par des séries amidonnées. Des boues et des turpitudes humaines, Winshluss en fait de l’or en barre.
[1] Fanzine créé en 1991 puis revue en 1995, stoppée en 2003, relancée en 2006 dans la collection Lépidoptère des éditions 6 Pieds sous terre (le prochain Jade 354U, paraît en février 2013).
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