Genève, un bloc opératoire...
Guido Gianotti, professeur d'art, admis en urgence, va subir une opération du cœur. Au moment où l'effet de l'anesthésie commence à se faire fait sentir, il entame mentalement un compte à rebours, à partir duquel il nous relate les événements qui ont abouti à cette triste issue.
Tout commence lorsque Anne-Catherine Hugues, une richissime divorcée, lui demande d'effectuer l'expertise d'un tableau de la Renaissance italienne qu'elle souhaite mettre en vente. Guido, retraité de son poste de professeur, reste en effet un spécialiste reconnu du cinquencento florentin.
Les relations entre ces deux personnages sont au départ empruntées et un peu tendues...
Guido Gianotti a toujours eu du mal à fraterniser avec les "nantis", qu'il juge hypocrites, centrés sur eux-mêmes, et qui font pour lui partie d'un autre monde (ses parents étaient de modestes gens de maison employés par une famille d'aristocrates italiens).
Et en même temps, il n'est pas insensible au charme d'Anne-Catherine, d'une vingtaine d'années sa cadette.
Seulement, l'âge avançant, leur différence de classe n'est pas le seul obstacle à l'attirance que Guido éprouve pour sa cliente : il est aussi cruellement conscient de la perte de sa vigueur sexuelle, et ce constat le rend lointain, voire agressif envers Anne-Catherine. Il cache ainsi, sous ses dehors détachés, un peu brusques, des doutes sur sa virilité qui le plongent dans l'angoisse.
Le personnage de Guido est émouvant de fragilité, et Metin Arditi dresse là un beau portrait d'homme mûr. Il est touchant de voir à quel point son héros se sent démuni face aux aléas physiques de l'âge et cette faiblesse le renvoie aux blessures qu'il garde en lui depuis toujours, mais qu'il ne s'avouait pas consciemment.
Il devient obsédé par la mort de son père, survenue alors qu'il n'avait que 11 ans, se reproche de n'avoir pas lié avec son fils, un chirurgien quadragénaire, des relations plus affectueuses, plus intimes. Ces regrets et ces angoisses naissent de son intuition que la fin, inévitablement, se rapproche. Il en vient même à se demander, lorsqu'il vit certains événements, si ce n'est pas pour la dernière fois.
Parallèlement à cette description des affres du vieillissement que subit Guido, l'enquête que mène celui-ci en vue de déterminer l'identité du peintre et l'histoire du tableau dont Anne-Catherine lui a confié l'expertise permet à l'auteur de mettre en évidence les interactions qui lient chefs-d’œuvre intemporels et destins de mortels, les uns se nourrissant des autres.
"L'imprévisible", court récit, se lit d'une traite, mais Arditi nous laisse malgré tout le temps de comprendre ses personnages, et d'apprécier l'agréable sensation que laisse en nous son écriture à la fois simple et élégante.
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