Dans "Longues peines", Jean Teulé dépeint une violence insidieuse, institutionnalisée par une société qui n'a toujours pas trouvé de véritable solution pour gérer humainement et efficacement le problème de la criminalité : celle du système carcéral.
Jean Teulé reprend ici le procédé qu'il utilisait dans "Darling" : il interroge (ou fait comme si), à la façon d'un journaliste, un gardien et une gardienne de prison, et construit son histoire à partir de leurs témoignages, animant des personnages que nous apprenons à connaître peu à peu, dépassant la barrière qui sépare les prisonniers des matons, pour les réunir dans ce qu'ils ont d'humain, de touchant.
Des liens se nouent entre les uns et les autres, il est même parfois question de romances, tantôt singulières, tantôt émouvantes... Le malheur côtoie le courage, la folie côtoie la haine, ou la cruauté. Toujours est-il qu'il parvient ainsi à nous attacher à des individus que l'on pourrait de prime abord trouver monstrueux.
Jean Teulé préfère ici s'exprimer par sous entendus, plutôt que par la relation brute des faits. En peu de mots, il suggère l'humiliation liée à la promiscuité, au manque d'hygiène. De manière elliptique, il évoque les actes barbares perpétrés sur certains détenus, les viols, les tabassages... On sent poindre, à travers le récit de ces tristes destinées, la critique vis-à-vis d'un système pénitenciaire dénué d'humanité, indifférent aux exactions commises en prison au nom d'une autre justice, officieuse, instaurée par les prisonniers eux-mêmes ; un système enfin, qui ne propose guère de perspective de réinsertion.